Nos vibrations perdues.

Je me suis souvenu...

Ce matin, c'est le coeur et le corps vibrants que je me suis réveillé. N'allez pas imaginer une quelconque scène pornographique, ni même érotique. Le corps et le coeur remués de je ne sais quelles vagues ressenties nuitamment. Le souvenir du corps tendu de cet ancien amant qui savait si bien me chérir, le désir tendu, les reins solides. Peut-être...

Le dimanche commence donc avec cette sensation ténue, cette vibration fragile, dont j'ignore l'origine. Même s'il fait gris, je vais sortir. Petit déjeuner avec France Inter, douche, et dès 10H je suis dehors, attaché à recouvrer ce qui a pu susciter cette émotion matinale. Une chanson, comme "A change is gonna come" par Sam Cook, Otis Redding ou Seal. Je penche plutôt pour Otis Redding.

Ou alors le souvenir d'un tableau. Un Caravage ou un Bacon. Oeuvres sublimes qui provoquent toujours une sensation inexplicable, une émotion, une douce vibration, comme une question sans réponse.

Peut-être un film de Pier Paolo Pasolini ou de Derek Jarman. Ou le jeu fiévreux d'un acteur aussi subtile qu'Olivier Gourmet, Aurélien Recoing ou Yann Trégouët. Ou le regard perdu d'Olivier Py. Cette vibration est peut-être cinématographique.

Il se peut aussi que j'aie entendu des mots. "Au bord du gouffre", "Si le grain ne meurt", "La chute", "Le temps retrouvé"... Ai-je lu dans mon sommeil pour qu'au réveil je sois ému de cette si particulière vibration ?

Les allées du Jardin des Tuileries, les marronniers enfin fleuris, mon banc déserté. Petit parcours dominical qui me rappellent concrètement que mon coeur comme mon corps vibrent encore, dans une espèce de "langueur monotone". La Place Colette, où la violoniste joue un air classique et déchirant. C'est beau comme "un coeur qu'on afflige", et mon coeur et mon corps de vibrer encore.

Non, ce n'est pas cette vibration matinale qui me revient, c'est l'incongruité de cette sensation survenant de nos jours. Mais qui vibre encore me dis-je ? Mon corps et mon coeur sont-il d'un autre temps, appartiennent-ils à de vieux souvenirs ? C'est toute ma désuétude qui me saute au visage. Non, un homme ne saurait, aujourd'hui, vibrer encore. La vibration est désormais le propre des choses, des objets. Le téléphone mobile vibre. Le sexe-toy vibre. YouTube vibre. iPod vibre. Mais l'homme ? Pauvre ChonChon, l'homme vibrait dans des temps anciens, que les moins de vingt ans...

Aujourd'hui l'homme est intimé de courir, de se remuer, d'être entreprenant, d'agir même sans but ! Nous sommes à l'ère de la performance, mon bonhomme ! Tu as un but dans la vie, et tu mets tout en oeuvre pour l'atteindre. Tu n'as pas de temps pour vainement vibrer. Hop ! Hop ! Hop ! Circule, oust ! tu gênes ! Il faut que ça bouge, que ça secoue, que ça zappe !

Mon corps et mon coeur auront été bien malicieux dans cet actuel Gattaca, à vibrer encore, comme si le temps des poètes n'avait disparu, ne s'était pas dissout dans des technologies dévorantes de tout. ChonChon est malicieux, à raviver ainsi cette petite vibration perdue. Et pour sa peine, il ira contempler les mobiles de Calder et les tableaux de Kandinsky, pour essayer de vibrer encore.

Je ne peux me résoudre au temps des vibrations perdues.

Comments

[emilie]

J'ai un fils du mois de mai..... conçu pendant des vacances du mois d'août en bretagne!
Souvenir brûlant et délicieux !!!
Bonne journée a toi et bises des vosges (moins froide que celle du nord) EMILIE-FRIVOLE

[emilie]

Heureux qui a encore la sensation de vibrer a certains souvenirs....Je plains de tout mon coeur ceux qui ne connaissent pas ou plus ce plaisir. Moi qui ai beaucoup vécu il m'arrive souvent de me réveiller avec ce désir qui fait se sentir vivant dans un monde de zombis.....
bises et bonne journée