La solitude des dimanches

Même en vacances, un dimanche est un dimanche.

Je songe à la controverse à laquelle nous avons assisté récemment à propos du travail dominical, qui devait s'étendre ou non, et qui a constitué un débat passionnant selon moi. Je pense à cette controverse, et je regarde mes dimanches à moi. Ils sont souvent pleins et entiers, sans grasse matinée, n'aimant guère sortir le samedi soir, où il y a trop de monde.

Et mes dimanches sont souvent un jour de solitude, que j'ai appris à domestiquer, au fil des années. Et je ressemble à cette étrange publicité pour Mir Laine, la beauté du fauteuil en moins. Je passe de longues heures à lire, tantôt à la maison, tantôt dans le Jardin des Tuileries ou celui du Palais Royal, s'il fait assez beau. Même sur moi, le dimanche imprime son rythme.

Je sais que le téléphone ne sonnera probablement pas, que fatigué de lire j'irai peut-être voir un film ou faire une longue promenade au cimetière du Père Lachaise ou aux Buttes Chaumont, les yeux aussi errants que le reste du corps. Ces temps de promenade sont précieux, même si j'aurais aimé parfois, je crois, les vivre avec un fils qui me raconterait les joies et les affres des ses vingt ans.

Mon élan n'est pas suffisamment virulent pour me propulser dans je ne sais quel avenir. Je sais mon avenir, et je n'aime pas y penser. Je pense à d'autres dimanches, passés, du temps de mon Paris lointain, du temps de Toulouse, ou du temps de mon Paris avec MisterNo. Je passerai peut-être manger une glace italienne à la fête foraine.

Je suis sensible à cette décélération du temps, et j'aime les vertus de mes promenades dominicales, à l'opposé de toutes les agitations qu'on réclame de nous, soit pour travailler, soit pour consommer. Je ne vais ni au marché (marcher), ni faire les courses (courir). Etranges, ces deux verbes ! Je voudrais, dans ma quiétude, tant souhaité que subie, dans les rues de la capitale, avoir les yeux et le regard de Patrick Modiano, comme pour mieux voir et mieux percevoir.

Je songe aussi à cette phrase, prononcée par Madeleine (Kim Novak) dans "Vertigo - Sueurs Froides", le film d'Alfred Hitchcock de 1958 : "Il faut être seul pour aller au hasard. Dès qu'on est deux, on va toujours quelque part." J'en ignore la véracité, mais je trouve ça beau. Le dimanche, je suis hasardeux.

Sans que je le décide, sans non plus que je le subisse, mes dimanches ont quelque chose de "spirituel". J'ignore pourquoi, j'aime passer voir la statue collective qui rend hommage à feu "le ventre de Paris", les maraîchers des Halles, à l'Eglise Saint Eustache. J'aime regarder les autres promeneurs, seuls ou en familles, certains aussi profondément plongés dans leurs pensées que je ne le suis.

Et peut-être que c'est ça aussi le dimanche, le jour où l'on prend le temps, dans la solitude, de mieux regarder les autres.