Brothers

D'un frère à l'autre...

Sam & Grace forment un couple parfait et sont les parents de deux petites filles. Sam est envoyé par l'ONU en mission à l'étranger et confie à Tommy, son frère tout juste sorti de prison, le soin de s'occuper de sa famille. Lorsque Sam est porté disparu et présumé mort, Tommy et Grace se rapprochent contre toute attente. C'est alors que Sam revient du front...

Evidemment, c'est le nom de Jim Sheridan à la réalisation qui a retenu toute mon attention. Ce touche à tout du cinéma, réalisateur, producteur, acteur est souvent passionnant. Comment oublier l'auteur de "Au nom du Père" en 1994, "The Boxer" en 1998 et de "Réussir ou Mourir" en 2008 ; le génial producteur de "Bloody Sunday" de Paul Greengrass en 2002 ; l'acteur parfait dans le génial "Le Général" de Joh Boorman en 1998 ? Impossible.

D'autre part, les films sur les fratries sont souvent passionnants, et récemment "La nuit nous appartient" de James Gray et "Tetro" de Francis Ford Coppola nous l'ont brillamment rappelé. Assisterait-on à un retour à la tragédie grecque si chère à Euripide, effaçant l'ampleur dramatique au profit des analyses psychologique et se concentrant sur l'humain ?

Jim Sheridan, en filigrane, dénonce le bellicisme hérité de l'ère George W. Bush. Il regarde les conséquences, parfois inattendues, que peut avoir la guerre au sein du famille. Sans aller jusqu'au dépouillement total, et c'est dommage à mon avis, le réalisateur ôte le gras inutile, et essaie d'échapper au mélodrame. Il n'y parvient pas tout à fait.

En revanche, il sait décrire ses trois protagonistes principaux, et leur fait endosser toute l'ambiguïté humaine, et même le paradoxe humain, les présentant tantôt chaleureux, tantôt presque gelés. C'est l'aspect le plus intéressant du film. En parallèle, on voit la sécheresse de l'Afghanistan et la neige des USA. Chaleur et froid, donc.

Il s'appuie sur une belle distribution. Je commence par dire mon plaisir qu'il y a a retrouver Sam Shepard, décidément sublime, qui m'avait touché au coeur dès les fin des années 1970 dans "Les Moissons du Ciel" du génial Terrence Malick.

Vient ensuite le trio Natalie Portman, Tobey Maguire, Jake Gyllenhaal. Dans un rôle qui manque sans doute d'ampleur pour elle, l'actrice Natalie Portman parvient à insuffler toute sa subtilité et sa finesse. Mais nul doute n'est permis, c'est une excellente actrice.

Vient ensuite cette fratrie, ces deux frères antagonistes qu'incarnent Jake Gyllenhaal et Tobey Maguire. Le premier, enfant prodige du cinéma, depuis qu'il est connu d'un très large public après "Brokeback Mountain" de Ang Lee et "Jarhead" de Sam Mendès, tous deux sortis en 2006, continue de nous époustoufler par son jeu calme et presque "retranché", sa grâce unique. Il y a comme un détachement, tantôt rêveur et enthousiaste, tantôt angoissé et fermé, qui distille un mystère très intéressant.

Dans le rôle plus difficile de Sam, Tobey Maguire, lui aussi très renommé pour son interprétation (entre autres) du "Spiderman 1, 2 & 3" de Sam Raimi, de sa belle prestation dans "The Good German" de George Clooney (2007), et pour avoir produit "La 25ème Heure" de Spike Lee, ne parvient pas, probablement à cause du rôle en soi, à s'échapper d'une sorte de sur-jeu. Mais cela tient aussi au fait que Jim Sheridan ne soit pas parvenu au total dépouillement qui aurait mieux convenu. Reste que dans la scène clef, la scène où Sam, pétri de colère, saccage la cuisine que Tommy s'est attelé à refaire, il joue une très belle partition.

Quoiqu'il en soit, "Brothers" est un film intéressant, parce qu'il s'écarte volontairement du drame global qu'est la guerre, pour se resserrer sur ses conséquences sur la vie des hommes. Mais sur le sujet, nous comptons désormais tant de références, que le film ne parvient pas à se hisser à la hauteur des plus grands. Il reste une pierre utile à l'édifice de notre réflexion.