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23 mai 2010

Edward II

Edward_IIDésirer l'indésirable...

Du fond du donjon où il est prisonnier, le roi Edward II se remémore les événements qui ont provoqué sa chute, son amour immodéré pour son favori Piers Gaveston...

Nouvellement couronné, Edouard II rappelle son fidèle ami et amant Piers Gaveston de l'exil. Follement épris de ce dernier, il le couvre de cadeaux et de titres honorifiques, suscitant la jalousie de la cour. Avec l'appui du roi, Gaveston fait enfermer et torturer l'évêque de winchester, responsable de sa déportation, à la Tour de Londres. Outragé par cet acte, la cour s'organise autour de Mortimer, le chef des armées, et de la Reine Isabelle, souveraine délaissée, pour exclure Gaveston. Sous la contrainte, Edouard doit bannir son amant...

Il n'était pas question d'aller voir n'importe quoi pour mon anniversaire. Et le hasard a voulu que ressorte - enfin ! - sur les écrans, ce film de Derek Jarman, toujours radical, et que je n'avais pas pu voir à l'époque, à Toulouse. Je me suis donc fait ce très beau cadeau.

Le génial réalisateur, entre autres, de "La Tempête" (1980), "Carravaggio" (1985) absolument sublime, "Wittgenstein" (1994), maintes fois copié dans sa radicalité tant formelle que politique, reste une de mes références majeures.

Ici, c'est une réécriture vandale de la pièce de Christopher Marlowe (1564-1593), sulfureux contemporain de Shalespeare, "Edward II" est une oeuvre libre et baroque qui mêle passion, trahison et violence en faisant fi de toute règle. Toujours contestataire et provocateur, Derek Jarman allie la langue de Marlowe aux formes et aux emblèmes postmodernes de son époque. Puisant aussi bien dans la scénographie moderne (les espaces vidés du décor qui évoque le carton-pâte du "Macbeth" d'Orson Welles), que dans l'iconographie gay (le goût pour les uniformes comme revendication identitaire) ou dans l'esthétique pop (l'icône Annie Lennox y fait une apparition remarquable), "Edward II" mélange les genres sans pour autant renier son origine classique.

Artiste protéiforme, figure clef du cinéma expérimental, Derek Jarman fait partie de ces cinéastes qui, avec Ken Russel et Kenneth Anger, ont construit leur cinéma autour du saccage des conventions. "Edward II" est un condensé magnifique de rage et de poésie, signé par un auteur culte (mort du sida en 1994).

Des décors qui n'en sot presque plus, une lumière sublime, et une interprétation très délicate, notamment celle de la magnifique Tilda Swinton, qui lui valu le prix d'interprétation féminine à la Mostra de Venise en 1991. Steven Waddington, Kevin Collins, Andrew Tierman, John Lynch, Dudley Sutton, Nigel Terry sont tous impeccables.

Réalisé en 1991 par le cinéaste britannique Derek Jarman (co-financé par la BBC, ce qui reste inimaginable en France), Edward II reprend le texte de la pièce de Christopher Marlowe pour mettre en scène une Angleterre en proie à la violence sociale et à l'injustice, impitoyable pour les minorités. C'est d'une actualité très vive.

Il ne fait aucun doute que si Derek Jarman est à mon sens un cinéaste majeur, c'est évidemment pour sa radicalité, son formaliste, sont inconvenance, sa sauvagerie stylistique... mais aussi parce qu'il aura influencé d'autres cinéastes importants. Bruce La Bruce avec notamment "Raspberry Reich", Gilles Blanchard avec "Tête d'Or" (d'après Claudel), Eugène Green avec "Le Pont des Arts" peuvent se féliciter d'en être un peu les successeurs.

"Edward II" est selon moi un film sublime et rare, peut-être aussi parce que j'ai été moi, moi aussi, une sorte de Piers Gaveston.

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