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La Vie ChonChon
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23 avril 2011

Je veux seulement que vous m'aimiez.

Je_veux_seulementChronique d'un naufrage annoncé.

Le jeune Peter purge une peine de dix ans pour le meurtre d’un patron de café. Il raconte son histoire au psychologue de la prison. Peter est attentionné, généreux, serviable, mais timide et écrasé par ses parents. Il ne cesse de vouloir acheter aux autres l’amour qui lui a été refusé dans son enfance. Chaque jour, il couvre ceux qu’il aime de nouveaux cadeaux, malgré les soucis financiers grandissants…

Un film inédit de Rainer Werner Fassbinder (1945-1982), je ne peux pas passer à côté. Et grand bien m'a pris, puisque, je le dis d'entrée, c'est un chef d'oeuvre !

C'est un film de 1976 tiré d'un fait divers et inspiré d'un essai de psychiatrie. Fassbinder dédide de transformer ce fait divers en une tragédie universelle et visionnaire. Le film suit donc le destin de Peter, jeune ouvrier mal aimé de ses parents auxquels il consacre pourtant tout son temps libre pour les aiderà construire leur maison, puis époux attentif d'une femme à laquelle il veut pouvoir tout offrir malgré ses difficultés financières.

Rainer Werner Fassbinder n'accepte ici aucun artifice scénaristique : dès le début nous comprenons que Peter va s'embourber sous nos yeux et que rien ne pourra l'empêcher de sombrer. C'est une spirale d'échec social tragique à la courbe implacable, jusqu'à l'inéluctable explosion finale.

Rainer_Werner_FassbinderPour mieux comprendre cette oeuvre de Rainer Werner Fassbinder, je tiens à rappeler que ses maîtres furent Douglas Sirk, John Huston, Raoul Walsh, et dans une moindre mesure, Jean-Luc Godard. Revenons un peu sur sa carrière, avec d'abord sa période du début des années 1970, qui est le prolongement de sa production théâtrale, où il scrute la société allemande de son époque : "Le marchand de quatre saisons" en 1972, "Tous les autres s'appellent Ali" en 1974, "Le droit du plus fort" en 1974, entre autres. S'ensuivra une période, de 1977 à 1981, plus "féminine" où il est parvenu à proposer des personnages de femmes parmi les plus beaux de l'histoire du cinéma : "L'année des 13 lunes", "Le mariage de Maria Braun", "Lili Marleen", "Lola, une femme allemande", "Le Secret de Veronika Voss". Enfin, la magnifique série TV, de 15 épisodes d'une heure, "Berlin Alexanderplatz", d'après le roman de Alfred Döblin. A 37 ans, il referme sa riche mais bien trop courte carrière par l'éblouissant "Querelle" d'après Jean Genet, avant de mourir prématurément.

Pour en revenir au film après cette parenthèse biographique, il faut évoquer sa mise en scène. Elle est glaçante et implacable, avec un style d'une rigueur éblouissante, la composition des cadres est superbe. S'ajoutent à cela la finesse des rapports entre les personnages et la justesse de l'interprétation. Vitus Zeplichal, dans le rôle de Peter, est fascinant. Avec lui, Elke Aberle (Erika son épouse), Alexander Allerson (son père), Erni Mangold (sa mère), et Johanna Hofer (sa grand-mère), contribuent brillamment à distiller le malaise étrange diffusé tout au long du film.

Voilà, malgré une trompeuse et pernicieuse douceur, c'est à la fois une tragédie humaine d'écorché vif et pamphlet social qui dénonce l'aliénation du monde moderne et les ratés du miracle économique allemand, en prenant le temps d'aborder la froideur familiale, la frustration affective, la culpabilité, l'échec...

Une oeuvre magistrale et indispensable. Un chef d'oeuvre, vous dis-je.

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Dommage, tu ne mets pas d'autres détails dessus. La date de sortie etc... je vais chercher tout ça. Il m'intrigue.
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