Comment Sarkozy offrit le "Droit de haine".

"Haïssez-vous les uns les autres".

D'aucun se satisfont du fait que la cote de popularité de l'actuel Président semblerait devoir stagner aux alentours de 20%, tout comme les intentions de vote à son endroit, dans la perspective du scrutin présidentiel de mai 2012. Alors certes, ce ne sont là que les fruits de nombreux sondages, dont on sait qu'il faut toujours les prendre avec des pincettes, mais 20%, ce ne sont pas les 15% ou les 10% que nous serions en droit d'espérer, compte tenu de certains faits.

De la même façon, car les chiffres sont semblables à propos de la Présidente du FN, il y a tout lieu de s'interroger sur le fait qu'en France on puisse encore compter, à ce jour, près de 45% d'électeurs (de clients ?) favorables, ou pour le moins sensibles, à certains discours teintés de xénophobie.

Concernant l'activisme de l'actuel locataire de l'Elysée, de ses gouvernements successifs, de son parti (ou "fan-club" ?), il y a pourtant juste derrière nous une liste impressionnante d'échecs, dans de multiples domaines : chômage ; salaires et donc pouvoir d'achat et hausses des prix ; justice sociale, et donc aussi urbanisme et ghettoïsation ; insécurité, dont les 900.000 gardes-à-vue annuelles et la multiplication des fichiers en tout genre sont des symptômes affligeants ; Grenelle de l'environnement et Sommet de Copenhague ; génuflexions successives devant Poutine, Kadhafi, Ben Ali, Moubarak, El Hassad, etc... ; la gabegie fiscale à travers la non-lutte délibérée contre l'évasion et la fraude, le bouclier, la loi Tepa ; etc...

C'est sans compter évidemment sur tous les antagonismes monstrueux délibérément accentués, voire créés, à des fins électoralistes, à des fins aussi de légitimation de la nécessité très hypothétique de devoir trotter derrière le FN. Ces antagonismes pourraient être l'héritage sarkoziste le plus dramatique : vieux/jeunes ; de souche/pas de souche ; chrétiens/pas chrétiens ; propriétaires/locataires ; rentiers/travailleurs ; urbains/ruraux ; police/justice ; centres villes/banlieues ; paysans/ouvriers ; etc...

Cette cote de popularité et ces intentions de vote s'expliquent, selon moi, par la délivrance par l'actuel Président à une certaine f(r)range de l'électorat (la clientèle ?), d'un nouveau droit, un droit qui n'aura rien coûté en terme pécuniaire, mais un droit dont ce revendiquent désormais de nombreux électeurs-clients : le "droit de haine".

Ainsi donc : en l'absence d'éthique ; en l'absence de bilan positif en quelque matière que ce soit ; en l'absence de justice sociale, sociétale et culturelle ; en l'absence de salaires décents et de pouvoir d'achat accru ; en l'absence d'un rayonnement international maintenu ; etc... nombreux semblent satisfait de pouvoir exercer, en toute "transparence", de façon "décomplexée" et "sans tabous", le "droit de haine", allant jusqu'à le muer en "devoir de haine" tant leurs consciences sont atrophiées.

Beaucoup désormais en le "droit de haïr", voire le "devoir de haïr", successivement : les Arabes, les musulmans, les juges, les Roms, les associations ("SOS Racisme", "Act Up", "Aides", le "CRAN" etc...), les fonctionnaires, les féministes (les "Chienes de Garde", "Vie de Meuf", etc...), les récipiendaires du RSA, les professeurs, les syndiqués, les jeunes de banlieue, les migrants venus de Tunisie et les immigrés en général, etc... car je ne saurais en faire la liste exhaustive.

Alors autant il ne saurait être question d'invalider notre devoir d'opposition, voire de contestation, autant il ne saurait être question de valider et de souscrire à ce "droit de haine" qui reste à ce jour le seul héritage, ô combien mortifère, de l'actuel locataire de l'Elysée. Il en va de notre courage collectif, au sens où Jean Jaurès l'entendait en 1903 dans son "Discours à la Jeunesse" à Albi, à savoir, "ne pas faire écho, ni de nos mains ni de nos voix, aux huées fanatiques".