Beginners

Comment devenir adulte ?

Oliver (Ewan McGregor), illustrateur a Los Angeles, collectionne les ex et les déceptions amoureuses. Quand son père, Hal (Christopher Plummer), tire sa révérence après avoir fait son coming-out a 75 ans et rejoint avec entrain la communauté homosexuelle, Oliver se penche sur ses relations familiales et ses échecs sentimentaux. Et il hérite d’un chien philosophe et bavard. La dépression guette. Jusqu’au jour où il rencontre Anna (Mélanie Laurent)…

Pour son deuxième long métrage, le graphiste-clippeur-compositeur étasunien Mike Mills, après le plutôt réussi "Age Difficile Obscur" en 2006, nous propose une chronique intimiste très réussie. (Il avait composé la BO de "The Man on the Moon", petit chef d'oeuvre trop et injustment méconnu de Milos Forman, et c'est là que j'ai découvert son nom). Le thème est classique : la difficulté de grandir, de devenir adulte, quand on reste un éternel adolescent, et qu'on redevient un enfant face au deui. Ici, on sent la sincérité du propos, et la douleur existentielle d'Oliver ne nous paraît jamais feinte, abordée avec beaucoup de pudeur. (Certains thèmes du film rappellent le très beau et très intéressant "Mediarenas" de l'Argentin Gustavo Taretto, sorti il y a deux semaines).

La forme est originale et fourmille de bonnes idées : beaucoup de dessins, un chien qui "parle" mais que seuls certains protagonistes entendent, une construction en flash-back et flash-forwards parfaitement maîtrisée, une attention toute particulière apportée aux "petits détails anodins de la vie". Et l'harmonie entre le fond et la forme sont plutôt rares au cinéma.

Ewan McGregor, Mélanie Laurent, et Christopher Plummer sont parfaits. Ils incarnent des personnages attachants, et parviennent à jouer avec fragilité et délicatesse, sans jamais de départir d'une belle palette de sentiments, ni flirter avec la mièvrerie.

Mélanie Laurent n'a probablement pas encore la carrière qu'elle mérite, mais gageons qu'avoir joué sous la houlette de Tarantino, et désormais de Mills élargira ses horizons. Elle compte déjà à sa filmographie "De battre, mon coeur s'est arrêté" de Jacques Audiard, "Dikkenek" de Olivier Van Hoof, "Je vais bien, ne t'en fais pas" de Philippe Lioret, "Paris" de Cédric Klapisch, "Le Concert" de Radu Mihaileanu... qui prouve l'étendue de son talent.

Ewan McGregor fit des débuts fracassants sous la houlette de Danny Boule, enchaînant "Petits meurtres entre amis" en 1995, "Trainspotting" en 1996 et "Une vie ordinaire" en 1997. Ensuite, sa rencontre avec Mark Herman lui offrit deux petite pépites cinématographiques : "Les Virtuoses" et "Little Voice". Désormais, depuis la "trilogie préquelle" Star Wars, de curent "La chute du Faucon Noir" de Ridley Scott, "Big Fish" de Tim Burton, "Le Rêve de Cassandre" de Woody Allen, et "The Ghost Writer" de Roman Polanski. Incontestablement un des meilleurs acteurs de sa génération.

Enfin, Christopher Plummer, absolument magnifique dans ce rôle difficile d'un homme qui fait son coming-out à plus de 70 ans, qui aurait pu facilement basculer dans le ridicule. L'évocation des réalisateurs qui lui ont accordé sa confiance laisse béat d'admiration : Nicholas Ray, Sidney Lumet, Anthony Mann, Anatole Litvak, Blake Edwards, John Huston, Franco Zeffirelli, John Boorman, Spike Lee, Terry Gilliam, Michael Mann, Atom Egoyan, Oliver Stone, Terrence Malick... 

Voilà un film qui prend son temps, sans être lent, qui offre une belle composition de poésie, de mélancolie, mais aussi d'humour et de fantaisie pour aborder des sujets délicats, et qui a eu l'excellente idée de privilégier la relation père-fils et de laisser la romance au second plan, sa pour autant la négliger. Avoir évoqué principalement cet amour filial, et tout l'optimisme et la tolérance qui s'en dégagent, auront permis la floraison d'une délicatesse et d'une tendresse rares au cinéma.