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2 octobre 2011

We need to talk about Kevin

We_need_to_talk_about_KevinAux racines de la violence d'un adolescent.

Eva a mis sa vie professionnelle et ses ambitions personnelles entre parenthèses pour donner naissance à Kevin. La communication entre mère et fils s’avère d’emblée très compliquée. A l’aube de ses 16 ans, il commet l’irréparable. Eva s’interroge alors sur sa responsabilité. En se remémorant les étapes de sa vie avant et avec Kevin, elle tente de comprendre ce qu’elle aurait pu ou peut-être dû faire.

Il m'est très difficile de résister à un film dans lequel joue Tilda Swinton, et ce fut, cette fois-ci encore, ma première motivation.

Je connais le travail de la réalisatrice Lynne Ramsay depuis les années 1996 et 1997, ou successivement ses deux court-métrages, "Petites Morts" et "Gasman" ont été palmés à Cannes. J'avais vu ensuite "Ratcatcher" en 1999. Tout ce travail tournait autour de l'enfance et de l'adolescence, en Ecosse. Puis ce fut "Le voyage de Morven Callar" en 2003. "We need to talk about Kevin" s'annonçait donc sous de bons auspices.

Il s'agit ici de s'interroger jusqu'au bout sur les racines du mal qui rongent Kevin, un adolescent. La réalisatrice choisit un réalisme psychologique féroce, ponctué de splendides visions oniriques, parfois teinté d'humour noir. Après l'approche documentaire de Mickael Moore avec "Bowling for Colombine" et celle, théorique et géniale de Gus Van Sant avec "Elephant", Lynne Ramsay choisit le point de vue de la mère de l'adolescent.

Autant le dire tout de suite, certains peuvent ne pas aimer le film, à cause de son parti pris esthétique exigeant, et le côté "arty" qui en émanerait, mais ça n'est pas mon cas. Je trouve au contraire que Lynne Ramsay réussit son film avec une époustouflante maestria, proposant des images froides et très dérangeantes, certaines même, à cause de la couleur rouge, étant "sanguinaires".

La seconde "technique" de la réalisatrice qui m'a convaincu, c'est l'utilisation du passé de Kevin. On ne sait pas s'il s'agit du flash-back, c'est à dire de la description objective de l'enfance de Kevin, ou s'il s'agit de souvenirs de sa mère, souvenirs forcément subjectifs. La mère "réinterprète"-t-elle ce passé, nous ne le saurons pas.

Pour les références, il faut aller du côté des mythes grecs, comme souvent dans le cas d'une étude psychologique, rapprochant le propos de Mickael Haneke, sans toutefois l'imbiber de morale et de rigorisme.

Eva, cette mère presque aussi étrange que son fils Kevin, est servie par l'éblouissante Tilda Swinton. Depuis "Caravaggio" (1985) et "Edward II" (1991) de Derek Jarman, puis "Orlando" de Sally Potter (1993), je considère l'actrice comme une des plus grande de sa génération (elle est née en 1960), si ce n'est la plus grande. Ce sont "La Plage" de Danny Boyle en 2000, "Bleu Profond" de Scott McGehee & David Spiegel en 2001, "vanilla Sky" de Cameron Crow en 2002 qui lui auront fait accéder à une popularité largement méritée. La trilogie "Le Monde de Narnia" comme ses rôles dans les films de Norman Jewison, Spike Jonze, Jim Jarmush, Eric Zonca, les frères Coen, David Fincher... qui en ont fait une actrice mondialement connue et reconnue. L'an dernier, elle irradiait "Amore" de Luca Guadagnino. Nous la retrouveront prochainement pour la troisième fois chez Jim Jarmusch puis chez Wes Anderson.

Franklin, époux d'Eva et père de Kevin est incarné par l'excellent John C. Reilly découvert dans "Outrages" de Brian de Palma en 1990. Il est ici à la fois un mari aimant et un père attentif, mais ne percevant pas la violence qui ronge son fils. Il se tire de son rôle à la perfection, avec un jeu très subtil qu'il aura acquis au cours d'une carrière particulièrement brillante à 45 ans : entres autres, "Hoffa" de Danny DeVito en 1992, "Gilbert Grape" de Lasse Hallström en 1994, "Boogy Nights" de Paul Thomas Anderson en 1998 (excellent), "La Ligne Rouge" de Terrence Malick en 1999 (chef d'oeuvre), "Magnolia" de Paul Thomas Anderson en 2000 (re-chef d'oeuvre), "The Hours" de Stephen Daldry en 2003, "Gangs of New York" de Martin Scorsese en 2003 (re-re chef d'oeuvre), Aviator" de Martin Scorsese en 2005, "The Las Show" de Robert Altman (re-re-re chef d'oeuvre). Nous le verrons prochainement dans 8 films, parmi lesquels le très attendu "Carnage" de Roman Polanski.

Ezra_MillerAlors que le Kevin enfant (6-8 ans) est interprété par Jasper Newel, celui de 16 ans nous permet de (re)découvrir Ezra Miller (18 ans). Ce rôle lui permet de rejoindre, aux rang des adolescents terribles et terrifiants du cinéma, les River Phoenix, Keanu Reeves, Joseph Gordon Levitt... pour ne citer qu'eux. Il a été révélé par la TV, notamment la série "Californication", puis par "Afterschool" de Antonio Campos en 2008 et "City Island" de Raymond de Felitta en 2010. Nous le retrouverons prochainement dans "Another Happy Day" de Sam Levinson et "Every Day" de Richard Levine. Il propose ici un jeu très froid, suggérant toute la violence qu'il porte en lui, face à Eva sa mère, face aussi à Celia sa petite soeur (Ashley Gerasimovitch), tandis qu'il reste aimable et souriant face à Franklin son père. Son jeu est très maîtrisé, et je lui souhaite évidemment le cheminement cinématographique de John Gordon-Levitt plutôt que celui de Keanu Reeves. C'est à sa portée.

Notons que la bande originale du film, composée par Johnny Greenwood de Radiohead est excellente.

Un film qui ne ressemble à aucun autre, esthétiquement très abouti, éclaboussant de couleurs mais terrifiant de grisaille, servi par un trio d'acteurs, Tilda Swinton, John C. Reilly et le jeune Ezra Miller impeccables. Et alors que le propos du film ne m'intéressait pas particulièrement au départ - le point de vue la mère - parce qu'ici la parentalité est sciemment embrouillée, le film m'a pris au plexus et ne m'a pas lâché, au-delà même du mot fin.

C'est un film précis et glaçant, implacable et terrifiant. Et la scène d'ouverture du film (superbement inquiétante) comme celle de fin gèlent l'échine.

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