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La Vie ChonChon
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27 mai 2012

Sur la route

Sur la routeA la recherche d'un temps perdu...

Au lendemain de la mort de son père, Sal Paradise, apprenti écrivain new-yorkais, rencontre Dean Moriarty, jeune ex-taulard au charme ravageur, marié à la très libre et très séduisante Marylou. Entre Sal et Dean, l’entente est immédiate et fusionnelle. Décidés à ne pas se laisser enfermer dans une vie trop étriquée, les deux amis rompent leurs attaches et prennent la route avec Marylou. Assoiffés de liberté, les trois jeunes gens partent à la rencontre du monde, des autres et d’eux-mêmes.

Inutile de revenir sur la difficulté d'adapter une oeuvre majeure de la littérature sur grand écran. Kerouac lui-même, dans les années 1950 y avait songé, en pensant à James Dean et Marlon Brandon pour incarner ses personnages principaux. Francis Coppola aurait lui-aussi voulu s'y essayer - il en avait acquis les droits - mais y a renoncé, et a contacté des réalisateurs de la trempe de Jean-Luc Godard et Gus Van Sant, sans succès. Et c'est finalement Walter Salles, qui excelle dans le road-movie ("Central do Brasil", "Avril brisé", et surtout "Carnets de Voyage") à qui échoit finalement cette tâche difficile.

Récemment, Rob Epstein a porté l'esprit de la Beat Generation à l'écran, dans "Howl", s'attardant sur l'oeuvre de Allen Ginsberg et ses relations avec Neal Cassidy. James Franco et Jon Precott y étaient remarquables.

Dans un premier temps, parce que l'oeuvre de Jack Kerouac est très largement autobiographique, même si c'est un peu laborieux, il faut faire le point sur la distribution, en rappelant chaque acteur, son personnage littéraire, et la personne réelle qu'il incarne :

Garrett Hedlund incarne Dean Moriarty, le doube de Neal Cassidy ;
Sam Riley incarne Sal Paradise, le double de Jack Kerouac ;
Kristen Stewart incarne Marylou, le double de LuAnne Henderson ;
Amy Adams incarne Jane, le double de Joan Vollmer ;
Tom Sturridge incarne Carlo Marx, le double d'Allen Ginsberg ;
Danny Morgan incarne Ed Dunkel, le double de Al Hinkle ;
Alice Braga incarne Terry, le double de Bea Franco ;
Elisabeth Moss incarne Galatea Dunkel, le double de Helen Hinkle ;
Kirsten Dunst incarne Camille, le double de Carolyn Cassidy ;
Viggo Mortensen incarne Old Bull Lee, le double de William S. Burroughs ;
et enfin Marie-Ginette Guay incarne Ma Paradise, la mère de Jack Kerouac.

Mais il ne faudrait pas oublier deux "personnages" majeurs du film, à savoir la route, et donc les paysages étasunien, et la musique jazz, laquelle a rythmé la prose de Jack Kerouac. Pour les retranscrire, Walter Salles a fait appel à deux hommes qui ont déjà travaillé avec lui, Éric Gautier le très talentueux directeur de la photographie et chef opérateur français, et le compositeur argentin Gustavo Santaolalla, qui composa notamment les musiques de "21 Grammes", "Le Secret de Brokeback Mountain", Babel"...

Walter Salles est parvenu à conserver la part de romantisme et de naïveté à chaque personnage, qui font de "Sur la route" un film touchant. Malgré quelques longueurs, il est aussi parvenu à retranscrire son rythme, filmant sur les chapeaux de roues, et sachant faire défiler à l'écran l'infini des paysages étusuniens qu'arpente sans relâche la caméra.

Certes, il y a bien le triptyque drogue, alcool, sexe, mais cela ne suffit pas, selon moi, à retranscrire l'essence de l'oeuvre de Jack Kerouac : la fureur de vivre, l'énergie créatrice, la soif de liberté, la passion, l'émulation intellectuelle. C'est comme si Walter Salles s'était placé du point de vue de 2012, "à la recherche d'un temps perdu", plutôt que de s'immerger totalement dans l'ébullition du début des années 1950.

Garrett HedlundL'interprétation est remarquable. Garrett Hedlund est un Neal Cassidy brûlant la chandelle par les deux bouts, et sachant suinter de sensualité presque sauvage. Il est excellent dans les scènes plus intimes, lorsqu'il discute avec Sam Riley de ses affres personnelles. Dommage toutefois qu'il n'ait pas davantage de scènes avec Tom Sturridge, l'acteur qui incarne ici Allen Ginsberg. Il s'était illustré dans "Troie" et nous le retrouverons bientôt dans "Inside Llewyn Daw des Frères Coen et dans "Akira" de Jaume Collet-Serra.

Sam Riley est impeccable en Jack Kerouac. Depuis l'extraordinaire "Control" de Anton Corbijn en 2007, je savais que ce jeune acteur britannique avait un bel avenir. Ici, à la fois en retrait et au coeur de l'action, il joue tout en nuances, très à l'écoute. Nous le retrouverons prochainement chez Paul Thomas Anderson, Spike Jonze et Zack Snyder.

Kristen Stewart (qui fut recommandée par le compositeur Gustavo Santaolalla qui l'avait découverte dans "Into the wild de Sean Penn) est une LuAnne Henderson pleine de vie et d'audace, dessinant la libération de la femme avec son esprit libertaire très audacieux. Elle connaît désormais une notoriété internationale pour son rôle dans la saga "Twilight", et a confirmé son talent dans "Welcome to the Rileys" de Jake Scott en 2010. 

Amy Adam est une Joan Vollmer impeccable. Son talent était évident dans "Fighter" de David O. Russel et elle compte déjà 9 films en boîte qui devraient sortir prochainement.

Tom Sturridge est un comédien britannique très intéressant, véritable enfant de la balle (père réalisateur, mère actrice), et campe un Allen Ginsberg brûlant (sans toutefois équivaloir James Franco dans "Howl"), et s'était illustré dans "Like Minds" de Gregory J. Read en 2006 face à Toni Colette, puis dans l'excellent "Good Morning England" de Richard Curtis en 2009. Son rôle plus en retrait lui laisse malgré tout l'opportunité d'exprimer la fragilité d'Allen Ginsberg.

Alice Braga est une Bea Franco particulièrement adorable. Découverte en 2003 dans "La Cité de Dieu" (un chef d'oeuvre), elle s'est depuis illustrée dans "Je suis une légende" en 2007. Elisabeth Moss est une Helen Hinkle vindicative très efficace. Elle est connue pour ses rôles récurrents dans les séries TV "A la Maison Blanche" puis "Mad Men", et s'est illustrée dans "Les Disparues" de Ron Howard en 2004, et dans "American Trip" de Nicholas Stoller en 2012. 

Un peu en "guest stars", Kisten Dunst en Carolyn Cassidy, et Viggo Mortensen en Willima S. Burroughs, apportent tous leurs talents au film. Enfin, je voudrais souligner la présence de Marie-Ginette Guay qui dans le rôle de la mère de Jack Kerouac incarne un peu leur port d'attache à son fils comme à son ami Neal Cassidy. Son regard aimant, presque compréhensif, est particulièrement touchant.

Voilà, sur le papier, "Sur la route" était un film infaisable. Grâce à son talent, à son chef opérateur, à son compositeur, et à sa distribution impeccable, Walter Salles a correctement tenu son pari, et s'est acquitté du pari honorablement. J'ai néanmoins une réserve majeure : Walter Salles illustre, mais il ne recrée pas. Evidemment, Marcel Proust est une référence indépassable de l'oeuvre de Jack Kerouac, mais si c'est "Du côté de chez Swann" qui est toujours dans les mains de Kerouac, il semblerait que ce soit "Le temps retrouvé" qui colle à celles du réalisateur.

Selon moi, le film n'est pas assez "punk", manque d'énergie, et s'empêche de faire éclater tous les carcans des années 1950, ce qu'il fallait faire en éclatant aussi ceux d'aujourd'hui, et ce qu'ont pourtant fait Jack Kerouac, Neal Cassidy, Allen Ginsberg... Comme si le film avait un peu raté sa cible originelle, la jeunesse.

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