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La Vie ChonChon
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9 mars 2013

No

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En finir avec la dictature.

Chili, 1988.

Lorsque le dictateur chilien Augusto Pinochet, face à la pression internationale, consent à organiser un référendum sur sa présidence, les dirigeants de l’opposition persuadent un jeune et brillant publicitaire, René Saavedra, de concevoir leur campagne.

Avec peu de moyens, mais des méthodes innovantes, René Saavedra (Gael Garcia Bernal) - qui vit seul avec son fils depuis le départ de son épouse Veronica (Antonia Zegers) - et son équipe construisent un plan audacieux pour libérer le pays de l’oppression, malgré la surveillance constante des hommes de Pinochet.

Pablo Larrain a grandi dans une famille très investie politiquement : son père, ancien opposant de Pinochet, est un sénateur et une figure importante de la droite chilienne, tandis que sa mère est une ancienne ministre. Pablo, âgé de 12 ans lors du plébiscite (il a aujourd'hui 36 ans), a été marqué par la simplicité de la campagne télévisuelle dont personne n’imaginait qu’elle changerait la destinée du pays.

"No" est son quatrième long métrage, après "Fuga" en 2005, puis surtout "Tony Manero" en 2008, "Santiago 73, Post Mortem" en 2010 (que j'ai beaucoup aimés tous les deux), et s'inscrit comme la fin d'une sorte de trilogie initiée par les deux derniers films du réalisateur, qui déclare : "Santiago 73, Post Mortem" parle des origines de la dictature, "Tony Manero" de son époque la plus violente, et "No" de sa fin. Peut-être que ce qui m’intéresse le plus, c’est de faire le bilan, de revisiter l’imaginaire de la violence, de la destruction morale et de la distorsion idéologique, pas pour la comprendre, mais pour dire qu’elle a existé." Pablo Larrain est aussi le producteur se "4H44, Dernier jour sur la terre" d'Abel Ferrara sorti récemment.

Le réalisateur a tourné avec quatre caméras datant des années 1980, rassemblées spécialement pour le tournage, afin de donner à son film la même esthétique que celle d’un film d’époque. Le réalisateur souhaitait faciliter le mélange entre les images d’archives et les images tournées pour garder le spectateur totalement immergé dans l’œuvre, tout en montrant sa résistance face au format HD. Dans un souci de réalisme et d’authenticité, Pablo Larrain a intégré dans "No" des spots publicitaires et jingles de l'époque, ainsi que des acteurs, chanteurs et danseurs ayant réellement participé à la campagne pour le "non" en 1988.

Gael Garcia Bernal - No

Gael Garcial Bernal, alors qu'il aurait pu s'offrir une carrière internationale "grand public", continue de faire briller de son talent des films plus difficiles, plus politiques surtout. Ici, il est malicieux, galvanisant lorsqu'il lui faut mener cette campagne électoral, tendre et réservé lorsqu'il est avec son fils, qu'il élève seul. Et là tient un aspect très intéressant du film : si c'était une production hollywoodienne, le personnage de René Saavedra aurait mené cette campagne pour être le héros de son fils, ou pour reconquérir son ex-épouse Veronica, alors que là, il le fait pour le Chili et les Chiliens. C'est à mon sens, avec évidemment le récit de l'Histoire, un des apects les plus intelligents du film.

Aux côtés de Gael Garcia Bernal, on retrouve Antonia Zegersdans le rôle de Veronica (vue dans "Santiago 73") et Alfredo Castro dans le rôle de Lucho Guzman, le patron de René, (vu dans "Tony Maneo" puis "Santiago 73").

Pablo larrain s'est intéressé au publicitaire René Saavedra car il permet de montrer l’ambiguïté de la dictature mise en place par Augusto Pinochet au Chili, renversée par son propre système : "René Saavedra est un enfant du système néolibéral impulsé par Pinochet", explique le réalisateur, en poursuivant : "C’est pour cela qu’il est intéressant que ce soit lui, avec les mêmes outils idéologiques que ceux mis en place par la dictature, qui se charge de mettre Pinochet en déroute. Il le fait en inventant une campagne publicitaire remplie de symbolismes et d’objectifs politiques, qui en apparence sont seulement une stratégie de communication, mais qui en réalité cachent le devenir d'un pays". Le personnage incarné par Gael Garcia Bernal, est ainsi construit comme une métaphore de l’histoire du Chili de la fin des années 1980.

Gael Garcia Bernal 2 - No

Le récit est passionnant de bout en bout, ne manque pas d'ironie, au contraire de son titre,  et c'est est un film enthousiasmant, souvent drôle, avec une amertume palpable, galvanisant, qui clame le pouvoir de la communauté, du collectif et de l'humour. Pablo Larrain est au cinéma ce que René Saavedra, le héros de "No", est à la communication politique : un artiste en pleine possession de ses moyens.  Le film montre avec un enthousiasme militant que la pub peut aussi être une arme démocratique, et c'est aussi passionnant qu'édifiant.

C'est remarquablement écrit, tourné, joué et produit par son acteur principal Gael Garcial Bernal. Un bijou qui brille d'un éclat complexe et inoubliable. Parfaite reconstitution historique autant que réflexion pointue sur le pouvoir des images dans le monde politique, "No" est une véritable réussite. Une merveille, une vraie, une de plus due à Pablo Larrain, après "Tony Manero" et "Santiago 73, Post Mortem" (que je vous encourage à voir si ce n'est déjà fait).

Dans le contexte socio-économico-politique actuel, "No" est le film le plus emballant que l'on ait vu depuis des semaines. À ne pas manquer.

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