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17 mars 2013

Moi, Caravage

Moi, Caravage

Le Caravage, l'artiste voyou de la fin de la Renaissance.

Je n'avais rien écrit sur cette pièce que j'ai vue au Lucernaire, encore en compagnie de "mon" cher Hebus. Le Caravage (1571-1610) est sans conteste un de mes peintres préférés. Il m'arrive d'aller au Musée du Louvre, uniquement pour admirer ses toiles. Mais il est aussi bien davantage qu'un peintre génial à mes yeux, puisqu'il fut, selon moi, le Jean Genet ou le Pier Paolo Pasolini de son temps, à al fin de la Renaissance, au début du XVIIème siècle.

J'avais lu "La Course à l'abîme" de Dominique Fernadez, le livre dont est tirée la pièce, suite à un article que j'avais lu dans le Nouvel Observateur. En règle générale, dès qu'il m'est possible de lire sur ce peintre, je n'hésite pas.


Auteur : Cesare Capitani - 
D’après le roman de Dominique Fernandez "La Course à l’abîme" (Grasset) - Mise en scène : Stanislas Grassian

Le 18 juillet 1610, sur une plage déserte non loin de Rome, Michelangelo Merisi dit Caravage meurt dans des circonstances obscures. Assassiné ? Probablement. Pourquoi ? Par qui ? On ne sait. Dans la vie et dans la mort du maître du clair-obscur tout est mystérieux. Il meurt à seulement 39 ans mais laisse une oeuvre imprégnée d’un réalisme brutal et d’un érotisme troublant qui bouleversera à jamais la peinture. 

Séduit par cette personnalité puissante et ténébreuse, Cesare Capitani, comédien et metteur en scène formé à l'Ecole du Piccolo Teatro de Milan, est l’auteur et l’interprète d’une confession palpitante inspirée de l’ouvrage de Dominique Fernandez "La Course à l’abîme". 

"En écrivant ce roman qui tente de ressusciter par l’écriture la figure du peintre Caravage, je ne pensais pas voir jamais ressurgir celui-ci, sous mes yeux, en chair et en os, cheveux noirs et mine torturée, tel que je me l’étais imaginé, brûlé de désirs, violent, insoumis, possédé par l’ivresse du sacrifice et de la mort. Eh bien, c’est fait : Cesare Capitani réussit le tour de force d’incarner sur scène cet homme dévoré de passions. Il est Caravage, Moi, Caravage, c’est lui. Il prend à bras le corps le destin du peintre pour le conduire, dans la fièvre et l’impatience, jusqu’au désastre final". Dominique Fernandez. 

Moi, Caravage 2

Est devant nous sur scène le peintre italien Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Le Caravage ou plutôt le comédien Césaré Capitani tant la ressemblance entre les deux hommes est frappante. La barbe de 4 jours bien taillée, les cheveux bouclés, souples et comme pris au vent, Césaré Capitani a bien le physique de l’emploi. C’est avec lui, dans un quasi monologue, que sur scène est retracée l’histoire de Le Caravage. Habile de ses poings avant d’être habile de ses mains, Le Caravage a mené une vie faite de scandales et de violence menant en parallèle une vie artistique qui inspira durant des siècles des peintres aussi différents que Poussin, La Tour, Vélasquez, Rubens ou Rembrandt et tant d'autres.

Le metteur en scène Stanislas Grassian a respecté l’esprit de Le Caravage en déclinant un clair obscur très présent sur scène. Dans un noir obscur balayé par des bougies logées dans des coffrets, le spectateur découvre une scène dépouillée, toute de noire vêtue, sans décor. Un clair-obscur qui donne une impression de secret, de mystère où la présence des deux comédiens semble calfeutrée dans une discrétion. Seuls sur scène, Césaré Capitani dans le rôle de Le Caravage et Martine Midoux dans celui du chant et de personnages secondaires épisodiques, proposent un jeu juste et équilibré. L’équilibre est dans la présence corporelle de l’un et dans l’approche vocale de l’autre. Mais cet équilibre n’arrive pas à son paroxysme. Le jeu étant trop policé, on ne retrouve pas sur scène la vie dissolue et tortueuse du peintre. Le timbre clair, la voix presque posée, Césaré Capitani retrace la vie du peintre mais le vécu semble avoir déguerpi de scène. La narration pilote le spectacle sans faire prendre le relais au vécu. L’histoire embrasse le personnage en l’étouffant parfois. Stanislas Grassian a choisi délibérément de retracer le contour sinueux de la vie du peintre avec celui de ses peintures, une mise en parallèle intéressante à plus d’un titre mais où la poésie de l’art n’est pas assez culbutée par le scandale ou la vie dévoyée du peintre. Nous sommes, tout au long de la pièce, dans la même tonalité avec pour quelques scènes des ruptures de jeu intéressantes.

Moi, Caravage 1

Le texte est beau, bien agencé, ponctué d’humour avec un Césaré Capitani qui nous replonge dans la vie de Le Caravage de façon suffisamment juste pour se laisser toutefois porter.

En pointillé, la pièce rappelle avec humour les frasques et conduites du peintre italien, ses rapports avec l’église, le pouvoir, les femmes, ses inventions aussi. Ses tableaux révolutionnèrent la peinture du XVIIème siècle par l’apport du clair-obscur qu’il créa et qui fut repris de façon heureuse par bon nombre de peintres, dessinateurs, photographes ou cinéastes. L’originalité de Le Caravage est qu’il déclinait dans ses peintures un fond neutre, sans décor avec des personnages en action. Il n’hésita pas aussi à intégrer dans ses tableaux des personnages au scandale tranchant comme des prostituées  ou des figures bibliques griffées de sensualité dans une époque qui prônait le sacré le plus pur dans les compositions picturales.

Moi, Caravage 3

Un voyage dans le temps à travers une aventure singulière qui révolutionna la peinture. Sur la toile scénique, la lumière s’impose, perçue comme une métaphore de la liberté, telle la lueur mouvante d’une flamme qui sculpte les visages, les corps et les volumes... Près du peintre rebelle, la soprano Martine Midoux offre sa voix claire. Un autoportrait fascinant.

M'est revenu à la mémoire un des chefs d'oeuvre du cinéaste britannique Derek Jarman, "Caravaggio" (sorti en 1986, ce qui ne me rajeunit pas !), et j'ai éprouvé les mêmes sensations et sentiments en voyant la pièce de Cesare Capitani qu'en voyant le film. Si Le Caravage est un maître de la peinture, il est aussi le peintre des putains, des pédés, des crasseux, des voyous, de de tous ceux qui vivent à la marge, tous ceux dont je me sens le plus proche, après desquels le monde interlope est au coeur de l'universel.

On ne choisit pas d'être un "excentrique".

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