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4 mai 2013

Stoker

Stoker

La violence en héritage.

La famille Stoker est très particulière.

Après la mort de son père dans un étrange accident de voiture, India Stoker (Mia Wasikovska), une adolescente, voit un oncle, Charles Stoker (Matthew Goode) le frère de son père, dont elle ignorait jusqu'ici l’existence, venir s’installer avec elle et sa mère Evelyn Stoker (Nicole Kidman), avec laquelle elle a toutes les peines à s'entendre, dans une tension permanente.

Rapidement, la jeune fille se met à soupçonner son oncle Charles d’avoir d’autres motivations que celle de les aider. La méfiance s’installe, mais l’attirance aussi…

Le titre, "Stoker" qui est le nom de la famille à laquelle s'intéresse le film, est aussi une référence directe à Bram Stoker, l'écrivain à qui l'on doit le roman Dracula. Déjà, cet ouvrage traitait de l'influence et de l'emprise d'un homme sur des gens plus faibles, ce qui constitue l'un des sujets principaux du film.

Depuis la fin de la série "Prison Break", Wentworth Miller, ex-Michael Scofield, s'est fait discret mais c'était sans doute pour mieux rebondir, puisqu'il signe son premier scénario avec "Stoker". A noter qu'il aurait écrit deux scénarios, le second étant "Uncle Charlie", préquel de "Stoker". Craignait que l'on ne prenne pas son scénario au sérieux compte tenu de son identité, il l'a fait soumettre au producteur Michael Costigan par son agent sous le pseudonyme de Ted Foulke - Foulke étant le nom de son chien.

Je n'ai pas hésité à aller voir le film puisqu'il est signé Park Chan-Wook, réalisateur sud-coréen que j'apprécie particulièrement, d'une part parce que c'est un très grand formaliste à qui l'on doit la trilogie "Sumymathy for Mister Vengeance", "Old Boy" et "Lady Vengeance", d'autre part parce qu'il est parmi les rares réalisateurs à savoir mettre en scène la violence avec détachement (c'est le cas aussi, dans des styles très différents, notamment des Frères Coen, de James Gray...).

Parmi les nombreuses influences admises par le réalisateur Park Chan-wook, on peut citer Brian De Palma, David Cronenberg, David Lynch, ainsi que des écrivains comme Edgar Allan Poe ou Wilkie Collins. Pour "Stoker", le Sud-Coréen s'est aussi imprégné (un peu trop à mon goût) de l'univers oppressant et claustrophobique du chef d’œuvre d'Alfred Hitchcock, "Sueurs Froides", mais aussi de "Psychose".

Ma Wasikowska

Mia Wasikowska interprète le personnage ambigu d'India : "India est une jeune femme complexe. Sans son père, elle se retrouve déconnectée du monde extérieur. Elle est par nature une marginale, fermée aux autres. India devient peu à peu une femme, avec des rêves et des fantasmes très différents de ceux des adolescentes ordinaires", commente la comédienne. La jeune fille qu'elle incarne voit son quotidien chamboulé à l'arrivée de son oncle : "C’est totalement perturbant et intriguant pour India. Elle essaye de comprendre quel rôle il peut jouer dans sa vie. Au début, elle ne sait pas ce qu’il attend d’elle, puis elle découvre à quel point ils se ressemblent : c’est à la fois terrifiant et séduisant", ajoute-t-elle. Elle est parfaite, et je ne doute pas de sa carrière à venir, carrière qui compte déjà, entre autres films, "Jane Eyre", "Albert Nobbs" et "Des hommes sans loi".

Nicole Kidman se met dans la peau d'une femme - une mère - désespérée, rongée par le manque affectif, comme l'indique Park Chan-wook : "Avec une actrice du niveau de Nicole Kidman, j’ai pu développer le rôle d’Evie et lui donner un côté belle-mère de conte de fées." Elle est parfaite, hitchcockienne et hiératique, mais devrait arrêter son cocktail Botox-acide hyaluronique, son seul moyen d'expression restant son regard.

Matthew Goode

C'est à Matthew Goode qu'échoit l'interprétation du personnage énigmatique de l'Oncle Charlie, un rôle aux multiples facettes : "Au début, on pense savoir qui est Charlie puis, au fil de l’intrigue, on comprend qu’il est extrêmement complexe et dangereux. Au lieu de jouer ce personnage de façon maléfique, je devais lui donner une dimension attachante, ce qui est déroutant et plutôt effrayant pour le public", déclare-t-il. Il semble coincé entre les références à Anthony Perkins et la volonté de jouer aussi bien que Casey Affleck, qui dans l'ambiguïté s'est déjà révélé nettement meilleur dans "L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford" (Andrew Dominik, 2007) et "The killer inside me" (Michael Winterbottom, 2010).

Pour le quatrième rôle clé du film, celui de la grande tante Gwendolyn Stoker, le choix de la production s'est porté sur l'actrice australienne Jacki Weawer, remarquée dans le polar choc "Animal Kingdom" (David Michôd, 2010) : "Tante Gin pressent l’horreur qui couve. Mon personnage est une femme d’un âge certain à qui on ne la fait pas. Avisée, elle flaire immédiatement quelque chose de malsain", confie la comédienne. Elle joue sa (trop) courte partition avec excellence.

Pour composer la bande originale de "Stoker", Park Chan-wook a fait appel à Clint Mansell, connu pour sa collaboration avec Darren Aronofsky - il a composé les musiques de "Requiem for a Dream" et "Black Swan" notamment. Le réalisateur sud-coréen avait découvert les talents de Clint Mansell en entendant l'une des musiques de "Pi" alors qu'il travaillait sur la bande annonce de "Sympathy for Mr Vengeance". 

Park Chen-Wook parvient à transcender son récit par la puissance de sa seule mise en scène. Entre érotisme déviant et promenade macabre, "Stoker" a tout d'un bonbon à la menthe poivrée : dérangeant et subtil, il met les papilles en fête par son charme très sophistiqué. En effet, la réalisation est brillante, et parvient à faire oublier un scénario qui, selon moi, n'est pas à la hauteur, probablement encombré par ses références à Alfred Hitchcock. Il en ressort toutefois une œuvre envoûtante, mystérieuse, ambiguë, vernie d’une indéniable beauté, d'une maîtrise tellement flagrante qu'il en devient terriblement oppressant.

Park Chan-wook fait montre d’une superbe inventivité, de métaphores visuelles, de qualités plastiques saisissantes d’ou procède l’essentiel de sa narration. Il prêche des convaincus, mais ce fut peut-être un passage obligé pour avoir ses entrées à Hollywood. Il filme ce conte morbide et délectable avec une sensualité perturbante, et être parvenu à perturber l'industrie cinématographique étasunienne est peut-être l'augure de beaux films à venir.

Park Chan-Wook est un virtuose. On le savait déjà.

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