Blackbird

Quand la justice et le système carcéral essaient de broyer un adolescent au nom de la protection de la société.

Sean Randall (Connor Jessup), adolescent tourmenté, est rejeté par les élèves du collège de sa petite ville canadienne. Isolé et mal dans sa peau, il se sert d’internet comme exutoire et imagine des scénarios de vengeance virtuels.

Alertée, la police fait irruption dans la maison où elle trouve les armes de chasse de son père Ricku (Michael Buie). Accusé de planifier un crime, Sean va devoir faire face à l’hostilité de la communauté, à l'exception de la troublante Deanna Roy (Alexia Fast) et affronter une machine judiciaire obsédée par le principe de précaution.

"Blackbird" est le premier long métrage de Jason Buxton. Le cinéaste canadien a appris son métier aux côtés de grands réalisateurs comme James Cameron. Par ailleurs, plusieurs de ses courts métrages ont trouvé une reconnaissance internationale par le biais de nombreux festivals.

Si l'oeuvre d'Arthur Miller "Les Sorcières de Salem", aborde le même sujet que "Blackbird", il semble que ce ne soit pas la principale influence qui a inspiré Jason Buxton, le réalisateur : "Je suis attiré par les histoires où le personnage principal lutte pour faire entendre sa voix et maintenir son intégrité, face à l’adversité. Un thème que l’on retrouve notamment dans "Le Cercle des Poètes Disparus"  ou encore "Les Évadés", deux films qui m’ont accompagné pendant le développement de "Blackbird", commente le cinéaste. "Fish Tank" de Andrea Arnold", Prix du Jury à Cannes en 2009, est également l'une des sources d'inspiration du réalisateur canadien.

Le personnage central du film tombe dans un engrenage judiciaire dont il est difficile de sortir. La nouvelle législation liée aux dérives sur internet a suscité l'intérêt principal de Jason Buxton et la mettre en rapport avec la période de l'adolescence a constitué le socle de son histoire : "Au Canada, grâce à la loi sur les jeunes contrevenants, l’identité des jeunes est protégée et il est interdit de la rendre publique. En revanche, à cause de cette même loi, les jeunes qui sont soupçonnés de méfaits n’ont pas la possibilité de raconter leur version des faits. Une loi destinée à protéger les jeunes se retourne finalement contre eux. C’est cet aspect qui m’a fasciné", explique le réalisateur. Son idée a été consolidée par les nombreux faits divers en lien avec le thème principal du film. Le titre du film, "Blackbird", signifie en français "oiseau noir". Si chacun peut en faire une interprétation personnelle, Jason Buxton a sa propre explication : "Pour moi, c’est une allégorie de l’aliénation. Tous les personnages du film, et pas seulement Sean [personnage principal], sont des parias dans leur communauté. Chacun, de manière différente, souffre d’isolement. Le titre évoque à la fois la désolation et une solitude presque pathologique."

Connor Jessup (photographie de gauche), qui interprète le personnage principal Sean Randall, a été recruté via une audition vidéo alors qu'il n'avait que douze ans. Le jeune comédien répondait déjà aux attentes du réalisateur avant même que ce dernier n'ait fini de boucler son projet. Lorsque le tournage a débuté, Connor Jessup avait 16 ans. Le reste des auditions s'est déroulé à travers tout le Canada. Alexia Fast (photographie du milieu), qui interprète Deanna Roy, n'en est pas à son coup d'essai avec "Blackbird". L'actrice canadienne, âgée de 18 ans, a en effet donné la réplique à Tom Cruise pour les besoins du film d'action "Jack Reacher". Elle a commencé sa carrière pour la télévision comme pour le cinéma à l'âge de 7 ans. Quant à Alex Ozerov (photgraphie de droite), qui interprète Trevor, il fait ici sa première apparition sur grand écran. D'origine russe, "ce jeune acteur débutant", selon les mots du réalisateur, avait auparavant joué plusieurs rôles pour la télévision. Sans aucun doute, étant donné leur talent, nous retrouverons bientôt ces trois jeunes acteurs, peut-être dans des productions hollywoodiennes.

"Blackbird" a été récompensé du Prix du Meilleur Premier Film Canadien au Festival de Toronto ainsi qu'au Festival de Vancouver. Il a également reçu le prix Claude Jutra du meilleur film canadien. Des récompenses amplement méritées.

Le film est un plaidoyer intelligent et sensible pour le droit à la différence. Du début à la fin de "Blackbird", la caméra adhère au point de vue du personnage principal, ce qui crée à la fois de l'empathie et de la tension. Loin des stéréotypes sur la jeunesse, le réalisateur restitue toute la compléxité d'un âge dit de tous les possibles. Il parvient à relier un drame judiciaire d'actualité à ses sources profondément humaines : la crainte de l'autre, le repli sur soi, et la solitude qui règnent dans nos sociétés modernes. Incontestablement, "Blackbird" marque ses plus beaux points dans les séquences carcérales, notamment les scènes où s'opposent Sean et Trevor.

Si l’angoisse, la douleur et l’indignation remplissent ô combien leur contrat, c’est grâce au petit miracle d’un traitement tout sauf manichéen, et qui a l’intelligence de donner sa chance à chaque personnage. Autrement dit, mais lorsqu'on ne le sait pas en entrant dans la salle, on sait que ce n'est pas un film hollywoodien quand on en ressort.

Jason Buxton capte toutes les failles humaines, sans excès de dramatisation, et les présente sous la forme d’un thriller psychologique haletant, voire révoltant, qui renverse le spectateur par la force de son interprétation.