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24 novembre 2013

Borgman

Borgman

Ces angoisses au fond des possédants...

Richard (Jeroen Perceval, vu dans le génial "Bullhead" et récemment dans "Heimat') et Marina (Hadewych Minis) vivent heureux avec leurs trois enfants, Isolde, Rebecca et Leo (Elve Ljebaart, Dirkje van der Pijl, Pieter-Bas de Waard) dont s'occupe leur jeune baby-sitter Stine (Sara Hjort Ditlevsen) dans leur grande villa élégante d'une belle banlieue bourgeoise et très cossue.

Camiel Borgman (Jan Bijvoet, vu récemment dans l'excellent "Alabama Monroe"), étrange, sale et hirsute, surgit dans les rues tranquilles de cette banlieue, pour sonner à la porte de cette famille, afin d'y demander de l'aide, un douche, un repas.

D'abord effrayant et confronté à un refus catégorique et violent de la part de Richard, il reviendra, différent, plus propre, pour se faire finalement embaucher comme jardinier-paysagiste. Il se fait aider par ses complices Pascal et Ludwig (Tom Dewispelaere et Alex Van Warmerdam, aussi réalisateur du film), ainsi que par les glaçantes Brenda et Ilonka, une fausse toubib et son assistante (Annet Malherbe - actrice fétiche du réalisateur, avec qui elle joue ici pour la cinquième fois - et Eva van de Wijdeven) qui ont la gachette et le gourdin très sensibles...

 

Qui est donc ce mystérieux Camiel Borgamn ? Un rêve, un démon, une allégorie, ou l’incarnation bien réelle de nos peurs ?

"Borgman" a été présenté en compétition du Festival de Cannes 2013, dans la sélection officielle. Il s'agissait de la première présentation du film au niveau mondial. Il marque le retour sur la Croisette du réalisateur Alex Van Warmerdam, 15 ans après sa sélection dans la catégorie Un Certain Regard avec "Le P'tit Tony" en 1998. C'est au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2013 que "Borgman" a remporté un prix. Il s'agit du Méliès d'Argent qui récompense le meilleur film fantastique européen de l'année. Il sera aussi prochainement en compétition de l'Oscar 2013 du Meilleur Film Étranger.

Voici, pour mieux le comprendre, comment le réalisateur explique son film : "J'ai voulu montrer comment le mal se glisse dans le quotidien, comment il s'incarne dans des hommes et des femmes ordinaires, normaux, bien élevés, qui sont heureux et fiers d'accomplir leurs tâches, en portant une implacable attention aux détails. Je voulais montrer qu'on ne fait pas le mal seulement par de froides nuits d'hiver, mais aussi sous la chaleur d'un soleil bienfaisant, dans l'optimisme de l'été. Je voulais montrer qu'un homme comme Borgman, perpétuellement insaisissable, est capable d'inspirer à une femme un désir si obsédant qu'il va la laisser complètement démunie. "Borgman" est plus sombre que mes précédents films car je voulais aller plus loin. J'ai eu envie de plonger dans une région obscure et inconnue de mon imagination pour voir ce que j'y trouverais. Je voulais aussi faire un film très ouvert à l'interprétation, qui pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Je crois que Borgman est un film intense."

La scène de traque qui ouvre le film, où Borgman et ses compères sont contrains de fuir leurs cachettes souterraines, est magnifique dans l'angoisse qu'elle infuse.

Borgman - Marina et Richard

Borgman - salon

Vient ensuite la description de cette famille et de cette villa. J'ignore si tout le monde sera aussi sensible que moi devant ce tableau, car j'y ai vu une sorte de comble de l'horreur : une famille aseptisée vivant dans un catalogue Ikéa, où tout semble mort, jusqu'au moindre détail. Chaque meuble, chaque tapis, chaque meuble, chaque vaisselle, chaque drap, chaque serviette, chaque robinet... tout semble sans âme, mort.

La mise en scène est au cordeau, la trajectoire scénaristique implacable, avec un habile saupoudrage d’humour noir et froid - la mise sens dessus dessous du jardin familial relève du grand art -, tout participe ici à laisser le spectateur dans un état second. Alex van Warmerdam croque un monde bourgeois aseptisé, comme désinfecté, avec un talent visuel époustouflant avant de le démolir comme un gamin insolent.

Une mise au jour de pulsions secrètes, d’inavouables névroses, de travers de fatuité tenus cachés, dévoilement dont sa mise en scène toute en transparences, décrochages et surcadrages se fait l’agile révélateur sardonique.

Borgman - Jan Bijvoet

C’est de la dimension de conte diurne et ensoleillé, où les légendes urbaines voisinent avec les forces primitives de la forêt (avec cette incroyable scène de traque, au début, révélant les caches souterraines où vivent les compères de Borgman), que le film tire son charme si particulier : une sorte d’onirisme à blanc, évaporé, nimbant d’un voile de douceur et de féerie sa chirurgicale mécanique meurtrière.

Ce thriller vaut pour son scénario manipulateur, son atmosphère dérangeante, presque surréaliste, et son humour très noir.

Si l'absence de mode d'emplois ou d'explication peut laisser perplexe, il est difficile de résister au spectacle étrangement euphorisant de cette cruauté nécessaire, dans laquelle les dépossédés affrontent froidement les possédants.

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