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12 janvier 2014

Philomena

Philomena

Retrouver son fils vendu par l'Église Catholique irlandaise à de riches Étasuniens...

Irlande, 1952. Philomena Lee (Sophie Kennedy Clark incarne Philomena jeune), encore adolescente, tombe enceinte.

Rejetée par sa famille, elle est envoyée au couvent de Roscrea. En compensation des soins prodigués par les religieuses, notamment Soeur Hildegarde (Kate Fleetwood) avant et pendant la naissance qui fut difficile, elle travaille à la blanchisserie pendant quatre ans, et n’est autorisée à voir son fils, Anthony, qu’une heure par jour. À l’âge de trois ans, il lui est arraché pour être vendu par le couvent 1000 £ et adopté par des Américains.

Pendant des années, Philomena essaiera de le retrouver. Elle se heurte au silence et aux mensonges de l'Église Catholique irlandaise qui n'entend pas fouiller dans son déplorable passé, prétendant que ses archives ont brûlé lors d'un incendie, la vérité demeurant détenue par la vieille et désormais "Mère" Hildegarde (Barbara Jefford) que les soeurs soustrait aux visites.

Quand, cinquante ans plus tard (Judi Dench incarne Philomena âgée), elle rencontre Martin Sixmith (Steeve Coogan), journaliste désabusé qui a été conseiller politique dans le gouvernement de Tony Blair, elle lui raconte son histoire (dont en dehors des souvenirs, il ne lui reste qu'une petite photographie qu'une Soeur avait prise en cachette), et ce dernier la persuade de l’accompagner aux USA à la recherche d’Anthony.

Celui-ci n'a plus jamais été Anthony Lee, mais est devenu Michael Hess (adolescent incarné par Xaviet Atkins, adulte incarné par Sean Mahon), conseiller de Reagan puis de Bush, homosexuel en couple avec Pete Olsson (Peter Hermann), finalement mort du sida. Mais a-t-il, au fil de sa vie, pensé à sa mère naturelle ? Charché à la retrouver ? Essayé de savoir s'il elle l'avait réellement abandonné ? Telles sont les questions qui continuent de hanter Philomena Lee, auxquelles elle finira peut-être par trouver des réponses...

Philomena - Sophie Kennedy Clark

"Philomena" est l'adaptation du roman Philomena: The True Story of a Mother and the Son She Had to Give Away écrit par Marin Sixsmith, basé sur la propre histoire de l'auteur. L'adaptation a été co-écrite par Steve Coogan qui joue également le rôle de Martin Sixsmith dans le film. Afin de préparer au mieux le scénario du film Philomena, les scénaristes Steve Coogan (qui aussi le producteur du film) et Jeff Pope ont rencontré les protagonistes du livre original inspiré de la vie réelle, l'auteur de cet ouvrage Martin Sixsmith et Philomena Lee. Steve Coogan ajoute : "Nombre de leurs conversations dans le film sont d’ailleurs inspirées de ces entretiens." Si Philomena est l'adaptation du livre de Martin Sixsmith, le scénario a pris la liberté non pas de raconter l'histoire telle qu'elle l'est dans le livre mais du point de vue de son auteur. C'est ainsi que Martin Sixsmith devient un personnage du film alors qu'il n'apparaît pas dans le livre. Le long métrage raconte en fait l'histoire qui a mené l'écrivain à écrire son oeuvre. Le jury de la Mostra de Venise a été conquis par "Philomena" puisqu'il lui a décerné, lors de son édition de 2013, deux prix. Le Prix Osella, qui récompense le meilleur scénario, et le Queer Lion, qui récompense un film à thématique homosexuelle parmi ceux de la compétition officielle ou d'une compétition parallèle. Ces deux prix sont amplement mérités.

Philomena - Judi Dench

Le réalisateur Stephen Frears et l'actrice Judi Dench ont travaillé ensemble en 1983 sur le téléfilm "Saigon : Year of the Cat". Vingt ans plus tard, ils se retrouvent sur le plateau de l'excellent "Madame Henderson présente" (2004) où Judi Dench tient le rôle principal. Puis, dix ans après, pour "Philomena". La grande actrice shakespearienne qu'est Judi Dench (elle vient de la prestigieuse "Royal Shakespeare Company), avec ses 50 ans dont cinquante de carrière, n'a pas à son actif que son rôle de M dans les "James Bond" à sept reprises et sa participation aux neuf saisons de la série "As time goes bye". Elle a en effet tourné pour Kenneth Branagh, James Ivory, John Madden, Franco Zeffirelli, Lasse Hallström, Sally Potter, Clint Eastwood...

Le film recouvre plusieurs thématiques : en premier lieu l'horrible affaire des "Magdalena Sisters" que les maratres des couvents exploitaient et dont elles vendaient les enfants dans le plus grand secret, le poids de la religion, le sort réserver aux filles-mères ; en second lieu ce que cela induit d'avoir vécu de tels événements sur le reste de votre vie ; en troisième lieu la rencontre d'une femme simple et d'un intellectuel sorti d'Oxford qui n'ont rien en commun.

 

 

Philomena - Dench & Coogan

Coogan et Dench

Dench et Coogan

C'est à partir de ce dernier point que le film est construit, avec de nombreux flash-back brillamment amenés. Et là revêt toute l'importance du casting, qui a la bonne idée de réunir Judi Dench et Steve Coogan (récemment vu dans le très bon "A Very Englishman" de Michael Winterbottom, que je recommande vivement). Stephen Frears a raison de miser sur ces deux admirables acteurs. Dire que Judi Dench est exceptionnelle, c'est banal, et pourtant il faut le dire. Elle est lunineuse en femme simple à la vie meurtrie, qui n'a cessé d'essayer de retrouver ce fils qui lui a été arraché, et qui après sa modeste carrière d'infirmière, s'émeut encore à lire des livres d'histoires d'amour à l'eau de rose. Resté très pieuse, concevant mal la responsabilité et la faute loude de l'Église Catholique irlandaise, elle s'émerveille de tout lorsqu'elle arrive aux USA : l'hôtel, les buffets, les immigrés mexicains, la grandeur de la taille de Lincoln à Washington, la prestigieuse carrière de son fils... Face à elle, un Steve Coogan incarnant un journaleux snob - qui considère que ces histoires d' "intérêt humain" qui mettent en scène les "vraies gens", sont des histoires écrites par des imbéciles pour des imbéciles - attendri par la modestie, la bonté, la drôlerie de cette Philomena si étrangère à son monde. Leurs dialogues sont brillamment écrits et interprétés, laissant la place à la colère, à l'émotion, à l'humour.... comme croquant encore la vie à pleines dents malgré leur désarroi respectif. Philomena hésite toujours, n'ose pas envisager la culpabilité de l'Église, se demande jusqu'au bout si son histoire doit être rendue publique ou au contraire rester dissimulée, avec en face d'elle un Martin Sixsmith - journaliste oblige, avec ses bons côtés (aller jusqu'au bout de son investigation) et ses mauvais côtés (à certains moments un peu voyeur et pensant à son scoop) - tente toujours, avec à la fois obstiination et douceur, de la convaincre de l'intérêt fondamental et universel de sa vie, de la valeur de sa terrible expérience pour le grand public.

J'ai noté la belle présence de Sean Mahon incarnant Anthony Lee devenu Michael Hess après avoir été adopté, rôle sans dialogues, n'apparaissant que sur des photographies et des images de films personnels, ainsi que celle de Peter Hermann dans le rôle de Pete Olsson, son amant, d'abord rétif à l'idée de rencontrer Philomena, finalement disposé à lui donner les clefs de l'histoire de ce fils qu'elle n'a pas connu. Peter Hermann vient de la TV, dans les séries "New York Unité Spéciale" et "A Gifted Man" notamment, et figure aux génériques de "Vol 93" de Peter Greengrass (2005), "Love & Game" de Sanaa Hamri (2010à, "Hors de Contrôle" de Martin Campbell (2010), "Une nouvelle chance" de Robert Lorenz (2012), "Casse-tête chinois" de Cédric Kalpisch (2013). J'ai hâte de le retrouver prochainement dans "All is Bright" de Phil Morrison donnant la réplique aux excellents Paul Giamatti, Paul Rudd et Sally Hawkins.

C'est une histoire splendide dans la façon où elle a été vécue par une femme tellement ordinaire et tellement hors du commun, dans la manière où elle est racontée par Stephen Frears qui s'y connaît en matière de gens ordinaires. Un Stephen Frears qui nous revient en très grande forme, sachant offrir une mise en scène délicate, discrète et même presque "effacée" qui évite le chantage lacrymal, avec le portrait d’une vieille dame qui recherche le fils qu’elle a dû abandonner alors qu'il n'avait que trois ans, stimulée par un journaliste qui possède les "codes" ouvrant toutes les portes.

C’est tout simplement superbe – et superbe simplement. Les deux acteurs, Steve Coogan et Judi Dench, sont extraordinaires – et je mesure mes mots. Voilà enfin du cinéma, du vrai cinéma ! Qui empoigne, touche et va droit au cœur. En mêlant de manière inextricable comédie et drame, présent et flash-back, le nouveau film de Stephen Frears écrit par Steve Coogan est un petit bijou qui émeut autant qu’il suscite la réflexion. Au fil de ce jeu de piste cathartique universel et édifiant, ce sont aussi les hypocrisies morales et sociales qui en prennent pour leur grade.

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