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25 décembre 2011

A Dangerous Method

A_dangerous_methodSigmund Freud vs Carl Gustav Jung

Sabina Spielrein, une jeune femme souffrant d'hystérie, est soignée par le psychanalyste Carl Jung. Elle devient bientôt sa maîtresse en même temps que sa patiente. Leur relation est révélée lorsque Sabina rentre en contact avec Sigmund Freud...

David Cronenberg, réalisateur canadien, nous a peu à peu, au fil de plus de 45 ans de réalisation de films, proposé un univers très particulier, articulé autour de ses thèmes de prédilection : la sexualité, le corps comme terrain d'expérimentation, la médecine, la psychanalyse, la mutation, la monstruosité.

Il avait le projet de filmer les questionnements posés par Freud et Jung depuis 40 ans, mais devant la difficulté du propos, il a du attendre un "déclic" que fut la pièce de Christopher Hampton "The Talking Cure" (elle-même tiré du roman non fictionnel de de John Kerr, "A Most Dangerous Methed" paru en 1993), et le prisme du personnage de Sabina Spielrein, patiente, amante, élève de Jung, puis patiente de Freud.

Carl Gustav Jung n'a que 32 ans lorsqu'il rencontre Sigmund Freud en 1907. Leur correspondance et leurs rencontres seront assidues et riches en réflexions, jusqu'en 1914, date de leur rupture. En effet, (en résumant plutôt grossièrement) Sigmund Freud considère que tous les faits et gestes des hommes sont régis par leurs désirs sexuels, tandis que Carl Gustav Jung, s'il accepte la place importante de la sexualité dans l'inconscient des individus, il en réfute le caractère totalitaire et exclusif. Freud pense qu'il faut porter à la connaissance du patient les causes de ses déséquilibres, de sa "maladie" et qu'il les admette, tandis que Jung pense qu'il faut aussi lui donner les moyens d'écrire les pages nouvelles de sa vie, l'acceptation des causes n'y suffisant pas. Ce sont ces divergences que met aujourd'hui en scène David Cronenberg.

Il en résulte un film très inhabituel pour Davis Cronenberg, qui quitte les affres de la chair pour celles de l'esprit. Le film s'apparente donc à une "leçon" d'histoire, didactique, pas infligée comme une "punition" mais comme une réflexion sur la nature humaine, terriblement lucide.

David Cronenberg (ami de Gus Van Sant, ce qui accroît encore mon intérêt pour sa filmographie) nous a été révélé fin des années 1970, début des années 1980 avec "Chromosome 3", Dead Zone", "Videodrome". La reconnaissance internationale vient en 1987 avec "La Mouche", et ses thématiques apparaissent clairement dans le brillant "Faux-Semblants" en 1988. Suivront "Le Festin Nu" d'après William Burroughs (ami de Kerouac et Ginsberg) un film brillant, puis "Crash" en 1992 d'après le roman de James Ballard Grahan tout aussi brillant. David Cronenberg a toujours su imposer des acteurs remarquables, tels James Woods, Christopher Walken, Jeremy Iron, et c'est en 1992 qu'il fait appel à Vigo Mortensen pour "A History of Violence" (à mon sens un film parfait) avec Ed Harris, et dont les face-à-face entre Viggo Mortensen et Ashton Holmes restent pour moi inoubliables. Il a deux projets très attendus : "Cosmopolis" avec Robert Pattison (!), Juliette Binoche, Paul Giamatti et "The Matarese Circle" avec Tom Cruise.

Sa mise en scène est très précise, presque clinique, servie par les costumes de Denise Cronenberg (sa soeur) et de son compositeur "attitré" Howard Shore qui s'est inspiré de "Siegfreid" le célèbre opéra de Richard Wagner.

Le texte, très dense, "intellectuel", parfois savoureux, offre la possibilité aux acteurs de proposer des interprétations excellentes.

On retrouve Viggo Mortensen, le comédien americano-danois qui reprend le rôle de Sigmund Freud destiné à Christoph Walz, que David Cronenberg avait déjà dirigé dans "A History of Violence" puis dans "Les Promesses de l'Ombre". C'est en 1985 que Mortensen a commencé sa carrière, dans "Witness" de Peter Weir et "La Rose Pourpre du Caire" de Woody Allen. Et c'est dans les années 1990 que sa carrière "décolle", avec "Indian Runner" de Sean Penn en 1991, "L'Impasse" de Brian de Palma en 1994, "Psycho" de Gus Van Sant en 1998, avant d'entamer la trilogie "Le Seigneur des Anneaux" de Peter Jackson (2001-2002-2003) avec le rôle de Aragorn qui fait de lui une véritable star internationale. Plus récemment, deux excellents films : "Appaloosa" de Ed Harris en 2008 et "La Route" de John Hillcoat en 2009, d'après le chef d'oeuvre de Cormac McCarty.

Dans le rôle de Carl Gustav Jung, on retrouve Michael Fassbender, acteur fétiche de Steve McQueen ("Hunger" en 2008, "Shame" en 2011, et un projet intitulé "Twelve Years a Slave" à sortir prochainement). Il est très intelligent de la part de David Cronenberg, dans un film nécessairement "psychologique", d'avoir placé face à face les corps de Viggo Mortensen et de Michael Fassbender. La filmographie de ce dernier l'inscrit en effet dans ces "acteurs-corps", après "300" de Zack Snyder en 2007, "Inglourious Basterds" de Quentin Tarantino en 2009, "Centurion" de Neil Marshall en 2010. Gageons que Steven Soderbergh, Ridley Scott, Joel Schumacher, Jim Jarmusch et Darren Aronofsky, qui ont tous un projet avec Michael Mortensen, sauront creuser ce sillage passionnant. L'acteur campe un Jung tout à sa réflexion, et parvient à nous montrer le cheminement de sa pensée, qui aboutira à sa rupture avec Freud.

C'est la jeune et très belle Keira Knightley (actrice britannique) qui incarne Sabina Spielrein. A mon sens, elle surjoue un peu les scène d'hystérie, mais à son "corps défendant" (si j'ose dire) c'est presque une obligation aux USA pour espérer briguer un Oscar... Une anecdote m'a amusé : pour chaque scène de fessée (la fessée procurant à Sabina Spielrein du plaisir sexuel) l'actrice buvait un shot de vodka, assumant difficilement ces scènes. Quoi qu'il en soit, son rôle est majeur (et très bien tenu hors ses scènes d'hystérie) puisque c'est par son cas et son prisme qu'on observe les réflexion de Jung et Freud. En à peine plus d'une décennie, elle s'est imposée comme une actrice qui compte à Hollywood. "Star Wars - Episode 1" de George Lucas en 1999, "Joue-la comme Beckam" de Gurinder Chadha en 2002 (excellent comédie britannique), et ce fut la trilogie de Gore Verbinsky "Pirate des Caraïbes" (2003-2006-2007) qui la propulse star internationale. Elle a par ailleurs montré l'éventail de son jeu grâce à "Love Actually" de Richard Curtis en 2003, "Never le me go" de Mark Romanek en 2011, et ses collaborations avec Joe Wright "Orgueil et préjugés" et "Reviens-moi", et pour qui elle incarnera prochainement "Anna Karenine". Est très attendu aussi son rôle de Lady Di dans un projet qui à ma connaissance n'a pas encore son réalisateur.

Notons, dans le rôle de Otto Gross, Vincent Cassel qui propose une interprétation brillante. C'est sa deuxième collaboration avec David Cronenberg, puisqu'il était déjà au générique de "Les Promesses de l'Ombre" en 2007. Et il y en aura une troisième, puisque David Cronenberg lui a proposé un projet, où il fera face à Viggo Mortensen. Dans "A Dangerous Method" les face à face Fassbender/Cassel sont exceptionnels, grâce à des dialogues particulièrement libres.

Wikipédia : Otto Gross était le fils de Hans Gustav Adolf Gross (1847-1915), magistrat autrichien, qui fut l'un des pères de la criminologie. Il reçut une éducation très rigoriste, soumis à l'autorité d'un père très autoritaire. À 22 ans, il obtient son doctorat en 1899 à Graz. Otto Gross a une santé déficiente et après un voyage en Amérique du sud, il sombre rapidement dans la toxicomanie. Il peut néanmoins exercer comme médecin et s'oriente ensuite vers la psychiatrie et exerce dans les cliniques de neuropsychiatrie en Autriche. Il oriente son travail vers des recherches psychosexuelles. Jung l'a traité lors de sa seconde cure en mai-juin 1908, notamment par une "psychanalyse" de deux semaines... qui se termine par une fugue de Gross de l'hôpital psychiatrique. C'est ce moment qui apparaît dans le film. D'abord propagandiste des idées de Freud, Otto Gross fut remarqué de ce dernier pour son enthousiasme. Mais devant le tour trop original et révolutionnaire que prenaient ses positions, Freud finit par désavouer Gross en le jugeant hérétique et dangereux pour le développement de la psychanalyse. Mais Otto Gross voulut aller plus loin et construisit des théories psychanalytiques auxquelles il mêla ses convictions philosophiques pour prôner la liberté sexuelle, ce qui lui valut la réprobation de Freud. Ceci est d'autant plus remarquable qu'au début de son engouement pour la psychanalyse et probablement sous l'influence de Jung, il déniait à la sexualité le rôle central que Freud lui accordait dans la formation des névroses. Avec Wilhelm Reich, Otto Gross est un des théoriciens fondateurs de la libération sexuelle, mais après sa mort, il fut un des grands oubliés de l'histoire de la psychanalyse. Ses théories révolutionnaires en psychanalyse sont fondatrices du freudo-marxisme.

"A Dangerous Method" est d'évidence un film brillant, qu'il faudrait revoir en DVD tant les dialogues sont touffus. Formellement, il n'y a rien à redire, la mise en scène est parfaite servie par des décors, des costumes et une musique impeccables. Mais pour ma part, encore une fois malgré toutes ses qualités indiscutables, il y manque un peu la "patte" de David Cronenberg, celle qui fit de "Dead Ringers" ("Faux-Semblants", 1988), avec des thématiques souvent semblable, un film grandiose.

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