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La Vie ChonChon
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12 mai 2014

Le Promeneur d'Oiseau

Le Promeneur d'Oiseau

Afin de tenir la promesse faite à sa femme, Zhigen (Bao-Tian Li), un vieux paysan chinois, décide de retourner dans son village natal pour y libérer son oiseau, unique compagnon de ses vieilles années.

Il fera le voyage de Pékin à Yangshuo avec Renxing (Yang Xin Yi), sa petite-fille, jeune citadine gâtée, contrainte de partir avec lui, parce que sa mère Qianing (Li Xiao Ran) et son père Chongyi (Qin Hao), le fils de Zhigen, sont tous les deux en voyage d'affaires. 

Ces deux êtres que tout sépare vont se dévoiler l’un à l’autre, partager des souvenirs et des aventures. La petite fille va découvrir de nouvelles valeurs, et particulièrement celles du cœur.

Philippe Muyl n'est pas un réalisateur auquel je me suis particulièrement intéressé. Nous lui devons "L'arbre sous la mer" (1985), "Cuisine et dépendances" (1992), "Tout doit disparaître" (1996), "La vache et le Président" (2000), "Le Papillon" (2002) et "Magique" (2007). Ni les sujets abordés, ni les distributions n'ont suscité mon intérêt.

Mais, lorsqu'un réalisateur français se tourne vers l'extérieur, et ici la Chine, et qu'il recrute Baotian Li que j'avais littéralement adoré dans "Le dernier voyage du juge Feng" de Liu Je (2007), ça aiguise mon appétit de cinéma.

Le projet du "Promeneur d'oiseau", tourné en Chine et joué par des acteurs exclusivement chinois a été motivé par le succès en Chine du "Papillon" (avec Michel Serrault), un précédent long-métrage de Ohilippe Muyl (que je n'ai pas aimé, Serrault cabotinant trop à mon goût). Le film, qui n'est pourtant jamais sorti en salles sur le territoire chinois, a été vu par près de 15 millions de personnes. Plus encore que le film, la chanson du générique de fin du "Papillon" est extrêmement connue en Chine. Quand Nicolas Errera, le compositeur, l'a fait écouter à Jackie Chan (il composait alors la musique de "Shaolin"), celui-ci s'est mis à la fredonner. Il la connaissait par coeur.

C'est en découvrant l'immense succès du "Papillon" en Chine que le réalisateur rencontra le producteur Steve René qui lui proposa de réaliser un film chinois, peut-être un remake du "Papillon". Le manque de symbolisme de l'animal en Chine les poussa à opter pour un scénario original. La première version ne contenait qu'un "vieux bonhomme qui revient dans son village pour ramener un oiseau que lui avait offert sa femme", selon les dires de Muyl. Le script mit par la suite beaucoup de temps à s'écrire du fait de la complexité des relations humaines en Chine, où le réalisateur était aidé par une scénariste chinoise et son assistante de réalisation, également son interprète.

Promeneur d'oiseau - paysage 1

"Le Promeneur d'oiseau" fut filmé dans les bourgades montagneuses du Guangxi, à l'extrême sud de la Chine, durant 45 jours. Le tournage se déroula notamment à Yangshuo, le village dans lequel tente de retourner le grand-père et sa petite-fille, mais également à Guilin, près de Sanjiang et dans des villages de la minorité Dong. Une partie du film se déroulant à Pékin, les scènes correspondantes furent aussi tournées sur place.

"Le Promeneur d'oiseau" est donc en partie filmé "sur le motif", sur les lieux véritables de l'action. Comme il n'y a pas de droit à l'image en Chine, plusieurs scènes furent tournées presque en caméra cachée, au milieu de la foule et sans mise en scène réelle pour ce qui était de la composition du cadre. De plus, Phulippe Muyl engagea au fur et à mesure des besoins du tournage une dizaine d'acteurs non professionnels : "J’ai pris des risques parce que je n’ai pas l’habitude de travailler avec des non professionnels. Mais ils n’étaient pas du tout complexés : bien au contraire, ils ont été d’une grande justesse."

Le réalisateur français a assumé le fait que son film n'ait pas de parti pris contre la politique chinoise contemporaine. Il souhaitait simplement montrer à quel point la Chine est un pays magnifique. Malgré tout, une scène fut légèrement raccourcie pour ne pas froisser le gouvernement. Il s'agit d'une séquence où un bus tombe en panne, à l'origine plus longue, pour montrer l'attente des voyageurs mais en partie coupée pour retranscrire l'efficacité du système de transport du pays. 

Promeneur d'oiseau - Baotian Li

La distribution est très réussie. Déjà, dans le rôle du grand-père, Baotian Li (ou Bao-Tian Li) est magnifique. Contrairement à Michel Serrault, il n'est pas bougon, mais très bonhomme, conciliant, plutôt heureux de passer une semaine avec sa petite fille. C'est une excellente idée du scénario que de ne pas avoir trop joué la carte "d'abord ils se détestent, ensuite ils s'apprivoisent, enfin ils s'adorent", et d'avoir été bien plus subtil que son modèle français. Ensuite, dans le rôle de Renyin, la petite Yang Xin Yi, quittant son Pékin privilégié, accrochée à sa tablette et son portable, découvrant la nature, les choses simple, la douceur des sentiments... est épatante. Le scénario n'en fait pas, au point de départ, une sale gamine capricieuse insupportable, mais juste une gamine gâtée de la bourgeoisie pékinoise, à laquelle les parents suractifs, ne prêtent pas suffisamment attention.

Li Xiao Ran incarne Qianing, la mère de Rexing. Elle est douce, aimante, urbaine, élégante, riche et hyper-active, ce qui la soustrait (malgré elle ?) à une appréciation très chaleureuse de la maternité. Je l'ai déjà vue dans "Les filles du botaniste" de Dai Sijie (2006) et dans "Wu Xia- Swordsmen" de Peter Chan (2013). Elle a par ailleurs joué dans des films "de sabres et d'arts martiaux" comme il y en a pléthore, mais que je n'ai pas vus.

Promeneur d'oiseau - Qin Hao et Baotian Li

Enfin, dans le rôle de Chongyi, fils de Zhigen, époux de Qianing, père de Renyin, on retrouve Qin Hao. Je l'ai vu dans quatre films, et d'emblée, je l'ai beaucoup aimé : "Shanghai Dreams" de Wang Xiaoshuai (2006), "Nuit d'ivresse printanière" de Lou Ye (2009) que j'ai adoré, "Chongqing Blues" de Wang Xiaoshuai (2010) et "Mystery" de Lou Ye (2013). Il est parfait dans son rôle d'architecte brillant, aux rapports distendus, tant avec son épouse et sa fille, qu'avec son père. Et le scénario est malin de faire en sorte que même si originellement il ne participe pas du voyage, initiatique pour sa fille, accomplisseur pour son père (il ne les rejoint qu'à la fin), c'est lui qui en tirera les plus grands bénéfices humain, tant comme père que comme fils. Cette parternité, scrutée d'abord par le prisme du grand-père, puis par le prisme de son fils, est très intéressante.

Promeneur d'oiseau - Baotian Li et Yang Xin Yi

Promeneur d'oiseau - Yang Xin Yi et Baotian Li

Ce film poétique rappelle l’importance des liens familiaux, le respect que l’on doit à nos aînés et la nécessité de prendre garde à l’environnement lorsque les nouvelles technologies s’en mêlent, et il le rappelle autrement qu'en nous adressant "un message", mais en nous embarquant avec ce grand-père et sa petite fille, un peu comme le ferait le génial Takeshi Kitano.

Le film évite l’écueil du manichéisme ville-campagne, modernité-tradition, notamment par l’humour, et il réussit le récit tendre d’une rencontre entre deux générations qu’une brouille et une ascension sociale fulgurante ont éloignée. Et c'est sur cet embourgeoisement que nous propose de s'attarder ce film, plutôt que sur l'infernale dureté du régime chinois. Un parti pris que l'on peut respecter, parce que des réalisateurs chinois eux-mêmes savent très bien le décrire et le décrier.

Philippe Muyl filme les deux visages de la Chine : urbaine et occidentalisée, rurale et traditionnelle. Autant de paysages immenses que les personnages traversent en utilisant tous les moyens de transport possibles... Le choc des générations et des cultures pour une fiction qui trace une route simple dans son scénario et s’offre de jolis moments suspendus entre bucolisme et poésie. 

«Le Promeneur d'oiseau» est un petit moment de bonheur. Dépaysant, malicieux, émouvant, apaisant. On en sort le coeur heureux, ouvert comme ces pivoines qui connaissent ces jours-ci leur plus beau moment de beauté. 

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