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28 octobre 2013

Gravity

Gravity

Vivre pour vivre.

Pour sa première expédition à bord d'une navette spatiale, le docteur Ryan Stone (Sandra Bullock), brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l'astronaute chevronné Matt Kowalsky (George Clooney). Mais alors qu'il s'agit apparemment d'une banale sortie dans l'espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l'univers. Le silence assourdissant autour d'eux leur indique qu'ils ont perdu tout contact avec la Terre (par la voix de Ed Harris) et la moindre chance d'être sauvés. Peu à peu, ils cèdent à la panique, d'autant plus qu'à chaque respiration, ils consomment un peu plus les quelques réserves d'oxygène qu'il leur reste.

Mais c'est peut-être en s'enfonçant plus loin encore dans l'immensité terrifiante de l'espace qu'ils trouveront le moyen de rentrer sur Terre...

Soyons clairs : "Gravity" N'est PAS un film de science-fiction ou d'anticipation, et ce n'est pas parce qu'il se déroule dans l'espace qu'il faut le qualifier ainsi. Il est volontairement réaliste, et s'attache à la conscience humaine devant la vie et la mort, devant le choix de la vie ou de la mort. J'y reviendrai, mais l'inscrire en préambule est essentiel.

La carrière d'Alfonso Cuaron, outre "Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban" en 2004 n' pas grand chose de particulièrement remarquable : "Uniquement avec ton partenaire" en 1991, "La Petite Princesse" en 1995, "De grandes espérances" en 1998, "Et... ta mère aussi" en 2001, enfin le réussi "Le fils de l'homme" en 2006.

Gravity - Sandra Bullock
Gravity - George Clooney

Sandra Bullock (qui remplace Angelina Jolie) et George Clooney (qui remplace Robert Downey Jr) sont excellents. Elle est toute de rigueur et de questionnement, il est tout de générosité et de légèreté. Les voix avec lesquelles ils communiquent, sont celles de Ed Harris (un clin d'œil à son rôle d'expert de la NASA dans "Apollo 13"), de Eric Michels (Shariff, as Phadult Sharma) et de Amy Warren (la capitaine).

Les satellites hors d'usage et les déchets laissés par d'anciennes missions spatiales ont engendré une quantité importante de débris risquant de provoquer un accident catastrophique, comme ce qui se produit dans "Gravity". C'est un phénomène réel, baptisé "syndrome de Kessler" par la NASA. "C'est un vrai problème", indique le producteur David Heyman : "Chaque vis ou bout de ferraille qui a été abandonné ou jeté se retrouve en orbite et lorsqu'ils se percutent, ils créent davantage de débris encore. Cela met en danger la vie des astronautes, les vaisseaux spatiaux, voire les êtres humains sur Terre."

La création de l'univers "recréé" du film a été, tout au long du tournage, influencée par la volonté de réalisme du cinéaste. Il confie : "Dès le départ, nous avons souhaité que les plans soient réalistes, à tel point qu'on ait l'impression qu'on s'est contenté de filmer l'espace. Cela aurait été mon rêve, mais, bien entendu, c'était irréalisable. Certes, j'étais conscient qu'il nous faudrait quelques effets spéciaux, mais ce n'est que lorsqu'on a essayé d'utiliser des techniques traditionnelles que je me suis aperçu qu'on allait devoir mettre au point un dispositif inédit pour réaliser le film tel que je l'envisageais". L’essentiel du long-métrage est le résultat d’un mélange entre infographie et animation. Pendant la phase de prévisualisation, les équipes ont élaboré intégralement le film par ordinateur, poussant très loin le processus en raison de l’exigence réaliste fixée.

Gravity 2
Gravity 4

Les deux scénaristes expliquent à quel point le film offre différents niveaux métaphoriques de lecture : "Pour nous, "Gravity" ne parle pas seulement de la pesanteur qui retient l'être humain, mais surtout de ce qui nous rattache à la Terre", indique Jonas Cuaron"Tout le film est ponctué de plans de la Terre, montrée comme le berceau de toute vie. Et au-dessus de la Terre, une femme, totalement déracinée, flotte dans l'espace. Nous voulions explorer le potentiel métaphorique d'un personnage perdu dans l'espace qui s'enfonce dans l'univers, et qui s'éloigne de plus en plus de la Terre, où se concentrent l'élan vital et les rapports humains. Au-delà des effets et des technologies, il était essentiel que le combat de Ryan apparaisse comme l'allégorie d'un être qui doit traverser les épreuves de la vie. Sa trajectoire est celle d'une survie".

Alfonso Cuaron ont fait évoluer le personnage de Ryan à mesure du tournage, mais certaines idées étaient déjà bien arrêtées en amont. "Il était crucial, à nos yeux, que le personnage central soit une femme car on se disait qu'il y avait un lien vital entre sa présence maternelle et la Terre", indique le co-scénariste Jonas Cuaron (fils d'Alfonso). Pour lui, il était également nécessaire que cette femme soit une astronaute novice : "Elle a subi un entraînement, mais quand la navette est détruite, elle ne sait pas du tout comment gérer une telle situation de crise", précise-t-il. "Pour que l'ensemble soit cohérent, il nous fallait aussi une sorte de mentor – un personnage capable de la guider et de lui venir en aide en cas de besoin", ajoute Alfonso Cuarón. D'où la présence du personnage de George Clooney.

Gravity - Bullock Sandra

Très intelligemment, les scénaristes ont donné au Docteur Stone (Sandra Bullock) un prénom d'homme, Ryan, ne lui ont pas donné d'enfant vivant (sa fille est morte), ont exigé qu'elle ait les cheveux courts, ne lui ont pas accordé de références familiales ni amicales sur Terre, n'en n'ont pas fait une "patriote" (elle est aussi à l'aise sur une navette étasunienne, que russe ou chinoise) : elle est l'Homme qui va devoir, à un moment, choisir entre la mort lente dans le sommeil et la volonté de survie, assumer le souffle de la résilience. Et elle ne fera pas ce choix pour sa famille, son pays, ses attaches, mais pour la vie elle-même, à l'opposé de ce qui prévaut dans presque tous les films. Tant et si bien qu'au moment où, enfermée dans sa minuscule capsule, au moment d'entrer dans l'atmosphère, dans une séquence à la beauté sidérante, elle n'est plus qu'un spermatozoïde parmi d'autres, luttant pour être celui qui touchera la Terre.

Le passé de Ryan Stone explique sa psychologie et son comportement. Le fait qu'elle ait perdu un enfant donne aussi une autre dimension à l'histoire, comme le remarque la comédienne : "Ryan a perdu un être cher. Elle s'est repliée sur elle-même. Pourquoi nous replions-nous sur nous-mêmes quand nous subissons un drame, alors que c'est le contact humain qui pourrait nous sauver ? En un sens, l'histoire de Ryan illustre à merveille l'adage 'Prenez garde à vos désirs' : elle voulait être seule, et son voeu a été exaucé." Et là réside, selon moi, la pertinence du choix "absolu" de Ryan devant la vie ou la mort.

Pour le réalisateur, le film est aussi un film sur la solitude et son actrice a dû affronter le fait d'être seule à l'écran pendant sa quasi-totalité. "Cela peut s'avérer très angoissant pour un acteur de se retrouver seul à l'image pendant longtemps, sans avoir de partenaire. Avec Sandra, nous avons pas mal discuté pour trouver le juste équilibre entre les propos qu'elle pourrait tenir et les gestes qu'elle pourrait faire afin d'exprimer les sentiments du personnage."

Pendant le tournage, la comédienne était donc souvent isolée dans la Light Box avec pour seul moyen de communication un dispositif d'oreillette, et un panel assez large de sons et de bruitages dans son casque, lui permettant de caler les émotions qu'elle devait exprimer avec le processus de tournage très mathématique. Un isolement répété qui, comme le note le cinéaste, "fait écho à la solitude de son personnage" et que l'actrice a utilisé pour le nourrir : "Dès que je me sentais seule, frustrée ou désemparée, je me disais 'Sers-toi de cette sensation, vas-y, sers-en toi pour le rôle'."

Gravity 1

"Gravity" a été tourné en 3D. Un choix qui s'est imposé de manière évidente : "Dès le départ, on voulait tourner ce film en 3D car il nous semblait essentiel que le spectateur se sente immergé dans l'espace, comme dans l'histoire. Pour autant, il ne s'agissait pas d'abuser d'effets jaillissants sous prétexte de tourner en 3D. On a essayé d'être subtil… pour donner le sentiment au spectateur qu'il participe au voyage", commente le réalisateur. C'est la seconde fois, après "Hugo Cabret" de Martine Scorsese, que je vois au cinéma une utilisation pertinente de la 3D. Et la scène sublime où flotte en apesanteur une larme du Docteur Ryan Stone justifie presque à elle seule ce choix.

Le directeur de la photographie indique que l'importance du nombre de plans en infographie a offert de nombreuses possibilités concernant les plans séquences, chers à Alfonso Cuaron"On s'est rendu compte qu'on pouvait aller très loin dans notre démarche. C'est ce qui nous a permis d'obtenir des 'plans élastiques', grâce auxquels on passait d'un plan panoramique à un très gros plan du visage de Sandra, puis on se glissait à l'intérieur de son casque, avant de filmer un plan en caméra subjective et, enfin, un plan large plus neutre. C'est ce qui suscite un sentiment de claustrophobie chez le spectateur", précise-t-il. Étant moi-même un admirateur des longs plans-séquences, plutôt que les montages dynamités souvent inappropriés, j'ai savouré...

Le décor de la capsule spatiale russe nommée Soyouz a été construit en dur. "On avait assez de matière pour construire une reproduction fidèle de la véritable capsule Soyouz, à quelques exceptions près, comme la trappe latérale. On a eu la chance d'avoir l'astronaute Andy Thomas à nos côtés, (...) qui nous a appris à manipuler l'interface informatique et les commandes de la capsule", observe Andy Nicholson, le chef décorateur.

"Je voulais savoir précisément comment fonctionnait la capsule et ce qui se passait si j'appuyais sur tel ou tel bouton", déclare Sandra Bullock. Alfonso Cuaron désirant tourner de longs plans séquences dans ce décor, la capsule Soyouz a été construite en différents morceaux. Une quinzaine de techniciens déplaçaient alors les morceaux de décors au rythme des mouvements de la caméra. Pour cela, il a fallu qu'ils répètent scrupuleusement chaque plan !

L'univers est un environnement totalement silencieux, d'où la difficulté pour constituer la BO du film : "Certaines séquences sont entièrement silencieuses, mais nous nous sommes dit que si le film tout entier était plongé dans le silence, le spectateur aurait sans doute décroché", déclare le metteur en scène. Avec Glenn Freemantle, qui a conçu les effets sonores, ils ont décidé d'associer le son au toucher : "Le son se propage à travers des vibrations. Lorsque Ryan touche ou heurte un objet, on l'entend à travers elle", précise ce dernier.

Son équipe a utilisé des vibrations et de basses fréquences afin que le spectateur ressente les chocs sans le son fracassant entendu d’ordinaire. Steven Price s'est chargé de la musique. Le cinéaste lui a demandé de faire sans les percussions, l'instrument le plus symbolique de l’action, pour que cela "brouille la frontière entre musique et effets sonores". Le compositeur a donc allié instruments électroniques et acoustiques pour produire des pulsations sans recourir aux percussions. Toutefois, si je dois mettre un bémol à mon appréciation du film (un seul), ce serait à propos de la musique, qui selon moi ajoute du lyrisme hollywoodien là où il n'y en avait pas besoin.

Au-delà de sa folle ambition, "Gravity" s'impose surtout comme le portrait inspirant et exaltant d'un être humain confronté à sa mortalité. Un film unique dans l’Histoire du cinéma. Du jamais vu à voir impérativement sur un très, très grand écran. Une des expériences sensorielles les plus abouties jamais filmées. A la sortie, on envie déjà tous ceux qui vont la vivre pour la première fois.

A travers son histoire, Alfonso Cuarón embrasse l’évolution de l’espèce dans sa totalité. Intime et épique, micro et macro, "Gravity", qui fait à la fois de l’homme une fourmi et un géant, est sensuel comme un ballet, froid comme un cauchemar, hypnotique du début à la fin.

"Gravity" est un film qui parle de la gravité de la vie, de sa valeur, de ce qui la justifie et qui fait que, parfois, on est poussé à abandonner, comme à bout de souffle, en manque d'oxygène. Notre coeur bat et notre souffle se suspend, jusqu'à la toute dernière image.

Alfonso Cuaron essaie ici d'être l'héritier du Stanley Kubrick de "2001 - L'Odyssée de l'Espace" et du Andreï Tarkovski de "Solaris", en se débarrassant des oripeaux de la "science fiction", pour se concentrer sur l'Homme, autant dans l'espace que proche de l'au-delà, finalement choisissant la vie et le retour sur Terre.

Un très grand film épuré sur la résilience.

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