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11 mai 2014

De guerre lasse

De Guerre Lasse

La mafia et la famille : une tragédie grecque.

Alex (Jalil Lespert, excellent et superbe), fils de Armand (Tchéky Karyo) un caïd pied-noir marseillais, s’est engagé dans la Légion pour échapper à un règlement de compte avec la mafia Corse… Ce dernier a abandonné toutes ses activités mafieuses, et vit désormais paisiblement avec Raïssa (Hiam Abbas).

Quatre ans plus tard, Alex déserte et revient sur Marseille pour retrouver Katia (Sabrina Ouazani) son amour de jeunesse, par le truchement de son ami Rachid (Mhamed Arezki, très bon).

Mais en ville les rapports de force ont changé : son père s’est retiré des affaires, laissant les Corses menés par Marchiani (Olivier Rabourdin, impeccable) et les gangs des Quartiers Nord menés par Titoune (Jean-Marie Wining, parfait) se partager le contrôle de la ville. 

La détermination d’Alex va bouleverser cet équilibre fragile au risque de mettre sa famille en danger, une famille qui dissimule bien des secrets, remontant au temps de la décolonisation au terme de la Guerre d'Algérie...

Le réalisateur Olivier Panchot mène une carrière discrète, mais il ne m'est pas inconnu : il a réalisé deux courts métrages, "Délit Mineur" avec Sylvie Testud (1995) et "Nous sommes le peuple" avec Hélène Fillières (1998) ; deux téléfilms, "Vacances volées" (1999) puis "Liens de Sang" (2000) ; deux longs métrages, "La Paradis de Laura" (2002) puis "Sans moi" (2006). 

La majorité du film a été tourné à Marseille, ville où se déroule l'intrigue. Une ville que le réalisateur connait bien pour y avoir passé plusieurs moments dans son enfance. Le réalisateur voulait filmer une métropole contrastée entre une histoire ancienne et un développement qui amène à des perturbations. "Un bon décor, ce n’est pas quelque chose de joli qui passe bien à l’image – c’est un lieu qui raconte une histoire", déclare-t-il. Le format Scope a été utilisé pour pouvoir être plus proche des personnages tout en laissant de la place à leur environnement dans le champ. De même, l'intégralité des lumières est naturelle. Olivier Panchot ajoute : "On a aussi légèrement désaturé les couleurs pour éviter le cliché de la ville du sud, baignée d’une lumière chaude façon carte postale. Au contraire, je voulais une lumière blanche, hivernale, froide comme l’acier." Il faur dire ici que le choix de Marseille est excellent, parce que le réalisateur à su la filmer autrement que ce qu'on voit généralement, et que le travail sur les lumières, à cet effet, est remarquable.

La bande-originale du film est à mi-chemin entre la musique classique et la musique électronique. Le choix de mise en scène du son (Etwan Kerzanet) et de la musique (Éric Neveux) a été décidé de façon à ce que le spectateur entende les émotions du personnage, à la manière d'un élément perturbateur qui est "comme révélateur de la dimension tragique du récit qu’elle suggère". Comme pour la lumière, il faut souligner l'excellent et original travail qui a été fait sur le son et la musique.

De guerre lasse - Jalil Lespert

De guerre lasse - Lespert Jalil

Le film repose en très grande partie sur les épaules de Jalil Lespert. Il explique pourquoi il a voulu participer à ce film : "Il y avait une dimension quasi shakespearienne dans le parcours de ces familles bouleversées par un secret qui m'a beaucoup touché. Par ailleurs, le rôle qui m'était proposé était un enjeu presque physique pour moi : j'ai pris un vrai plaisir à m'impliquer dans les scènes d'action, en étant le plus crédible possible, et à aller chercher l'émotion qui parcourt tout le film. Et j'ai aussi été séduit par la personnalité d'Olivier Panchot car il mûrissait ce projet depuis des années et qu'il savait exactement où il voulait aller. J'avais donc envie de lui faire totalement confiance." Il ajoute : "En parlant avec Olivier Panchot, je me suis rendu compte qu'on avait les mêmes références, comme James Gray, pour les rapports familiaux. Pour autant, le film ne bascule jamais dans le pastiche : la forme est d'une grande sobriété, tout en étant d'une belle ampleur romanesque. J'ai le sentiment qu'on est pris au piège dans cette famille pour laquelle on éprouve une véritable empathie : c'est une dimension qui est propre à Olivier et qui dépasse toutes sortes de références". Je souscris à la comparaison avec le travail de James Gray, et il est impossible de ne pas penser au sublime "La Nuit nous appartient" (2007). Et de constater qu'Olivier Panchot a autrement plus de talent que Guillaume Canet !

Jalil Lespert et Mhamed Arezki

Hiam Abbas est sublime de silences et de regards, Jalil Lespert forme un très beau duo "fraternel" et dramatique avec Mhamed Areski, on est heureux de voir les excellents Jean-Marie Wining dans des seconds rôles. Je suis plus circonspect par le jeu de Tchéky Karyo, que j'ai trouvé assez peu crédible en patriarche ancien grans mafieux marseillais, manquant d'étoffe et de puissance. Sabrina Ouazani est charmante, mais son rôle de Katia n'est pas essentiel, son amour pour Alex nourrissant certes un peu la tragédie, mais sans y mettre la fébrilité qui aurait convenu pour la nourrir avec force.

Davantage une tragédie familiale qu’un polar de genre, "De guerre lasse" suscite l’intérêt par sa capacité à entremêler destins tragiques et grande Histoire dans un grand bain de sang qui n’épargne ni les corps, ni les âmes. Film pleinement ancré dans cette ville cosmopolite et chargée de mythologie qu’est Marseille, "De Guerre lasse" est une vraie réussite du genre, une pépite que l’on peut conseiller sans avoir peur de se tromper.

Tout y est des ingrédients essentiels d'une dramaturgie portée à son comble. C'est "rugueux" comme l'a souhaité le réalisateur. Olivier Panchot revendique un "western urbain" dans lequel Jalil Lespert serait un "lonsome cow-boy" que rien n'arrête, et il a touché son but.

Littéralement harponné, je me suis abandonné à cette corrida de sentiments déchirés, et j'ai admiré l'intensité des acteurs Jalil Lespert et Mhamed Arezki, et j'ai regardé ces hommes pleurer.

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