Simone de Beauvoir nue.

Je me permets de revenir sur cette étrange polémique, au sujet de la "une" du Nouvel Observateur de la semaine dernière, présentant Simone de Beauvoir nue, de dos.

Que n'a-t-on entendu au sujet de cette "une" ! Et j'en ai même parlé avec Lady Pat et d'autres collègues, plutôt indignées par le choix de cette photo, pour tâcher de comprendre.

Je crois qu'il faut d'abord revenir à l'essentiel : il s'agit bien d'une photographie artistique, prise par Art Shay, et ce n'est nullement un photo volée à l'intimité de la philosophe, puisque Simone de Beauvoir savait qu'elle était prise en photo, et souriait à son auteur, par le biais du miroir.

Ensuite, il convient de se demander si, pour célébrer les 100 ans qu'aurait Simone de Beauvoir aujourd'hui, et fêter aussi l'ensemble de sa pensée et de son oeuvre, la nudité pose un "problème". En effet, pourquoi présenter un corps, pour honorer une pensée ? Sauf que, précisément, Simone de Beauvoir a tout fait pour que les femme redeviennent "propriétaires" de leur corps, afin qu'elles puissent en disposer à leur guise.

Par ailleurs, devant cette volée de bois vert, je me demande même si le Nouvel Observateur n'a pas fait un acte en conformité avec la pensée de la philosophe, et nous assied, en nous bousculant pour l'occasion, face au "politiquement correct" d'aujourd'hui. Pourquoi ne pas repésenter une pensée audacieuse par une photographie audacieuse.

J'ai bien entendu et lu aussi l'argument suivant : il ne serait venu à personne l'idée de représenter n'importe quel philosophe mâle nu. Et pour cause, ce type de photographie n'existe probablement pas. Il serait étonnant que le 28 décembre 2008, alors qu'on fêtera le centenaire du non moins grand Claude Lévi-Strauss, il se retrouve nu à la une de quelque magazine que ce soit !

J'en arrive donc là où je voulais en venir : n'est-ce pas le corps de l'homme, du mâle, qui a été nié, refoulé, caché au fil du temps. Nous avons certes des représentations statuaires anciennes, des tableaux s'inspirant souvant des mythologies grecques et italiennes, mais c'était avant l'avènement de la bourgeoisie !

Car, je crois que l'apparition de la photographie a coïncidé avec l'avènement de la pensée bourgeoise, issue souvent des fortunes construites sur la révolution industrielle. Un grande part de l'aristocratie se pavanait sans honte, tandis que depuis le milieu du XIXème siècle, la bourgeoisie s'est éprise du confinement, du goût des choses cachées. Le bourgeois classique se cachait, et souvent, accumulait les tabous.

Peut-être finalement que le Nouvel Observateur s'est-il tout simplement opposé au même fléau que la philosophe Simone de Beauvoir à sa façon : la pensée bourgeoise !