L'Autre

Obsessionnelle Jalousie... Anne-Marie se sépare d'Alex. Il veut une vraie vie conjugale. Elle veut garder sa liberté. Ils se séparent sans heurt et continuent de se voir régulièrement. Pourtant, lorsqu'elle apprend qu'Alex a une nouvelle maîtresse, Anne-Marie devient folle de jalousie. Et bascule dans un monde inquiétant, fourmillant de signes et de menaces. Le couple Patrick-Mario Bernard et Pierre Tridivic, après l'époustouflant "Dancing" sorti en 2003, nous propose cette semaine son deuxième film, magnifique en tout point. C'est entendu, je n'ai vu aucune des 6 plus grosses sorties de la semaine. Mais je ne suis pas filmophage, je suis cinéphile. Il faut de tout pour que l'industrie cinématographique continue de nous distraire, nous émouvoir, et nous faire réfléchir. Ainsi, je vois de moins en moins de grosses merdes, le goût et la connaissance s'aiguisant en 30 ans de fréquentation assidue des salles obscures. Revenons-en à "L'Autre", première adaptation d'un livre d'Annie Ernaux ('L'occupation") sur grand écran. Formellement, c'est très abouti, avec un soin très particulier apporté au choix des décors extérieurs : bus, périphériques, centre commercial, parking... Tout contribue à montrer la jalousie croissante d'Anne-Marie. Bernard et Trividic ne se sont pas trompés en choisissant Dominique Blanc pour interpréter Anne-Marie. Elle est exceptionnelle une fois de plus, méritant incontestablement sa Coupe Volpi de la Meilleure Acrice à la Mostra de Venise 2008. Singulière actrice, qui déjà dans le passé avait placé la barre très haut, et qui continue de se surpasser, sans jamais virer à la "performance" qui plaît tant aux spectateurs d'outre-atlantique, et de plus en plus chez nous. La scène d'ouverture, effrayante, nous montre une Dominique Blanc dans une attitude et un regard qui à eux seuls charrient une violence rare, qui tombe à l'écran, sous vos yeux, quelques instants après, et qui vous colle sur votre fauteuil jusqu'à la fin du film. Elle est secondée par Cyril Gueï dans le rôle d'Alex, que les réalisateurs se gardent bien de transformer en "black de service", faisant un amant amoureux, réconfortant, d'une présence forte, sereine et discrète, qui balance parfaitement avec la dérive à laquelle se laisse aller Anne-Marie. Je lui souhaite la même carrière que Sami Bouajila par exemple. Enfin, en ami-amant de toujours, Peter Bonke est lui aussi impeccable. Voilà, je pourrai durant des pages vanter les qualités de ce film étonnant, qui sait sortir des conventions habituelles, sans sombrer dans l'incompréhensible. Ce décryptage de la jalousie croissante, plus facile à décrire en littérature au cinéma, est ici palpable. Admirable, vous dis-je !