Parfois, ça prend aux tripes !

Une procession de la colère.

Je souhaite revenir sur l'immense manifestation qui a eu lieu ce jeudi 19 mars, depuis Beaubourg jusqu'à Nation, et au delà. Chacun en aura vu des images à la télévision ou sur internet. Mais les images ne restituent pas tout à fait "l'ambiance" ni le ressenti des personnes qui manifestent. Une manifestation placée sous le signe du "carton rouge".

Vous savez ce que ça signifie au foot : expulsion ! Evidemment, un long cortège représentait l'ensemble de l'enseignement depuis la Maternelle jusqu'à l'Université, depuis les étudiants jusqu'aux professeurs en passant par les employés techniques et administratifs. Mais il faut noter aussi une large présence des parents et grands-parents d'élèves. Ce rassemblement inter-générations m'apparaît comme une nouveauté lorsqu'il s'agit de défendre le service public de l'éducation, du moins dans ces proportions.

Mais il y avait aussi des présences particulièrement émouvantes : des chômeurs, des retraités (parfois même très âgés), des handicapés, des malades... On était loin, très loin de la caricature souvent présentée dans les médias, car le rassemblement dépassait largement les "syndicalistes" (que le pouvoir méprise à tort !). Il fallait voir ces couches populaires entonner "Le Chant des Partisans", des trémolos d'usure dans la voix. Certes, ce n'est pas à fendre les pierres, mais ça dégage une émotion, une force, assez incroyables. Notamment lorsque la foule, sur les trottoirs, décident d'applaudir des manifestants.

Non, je n'ai pas trouvé les gens désespérés, désemparés ! Je les ai vus en colère, prêts à défendre jusqu'au bout leur dignité, leur emploi, leur appartenance à la société, prêts à lutter vaille que vaille pour sauver leurs emplois sans avoir à brader leurs acquis sociaux. Cette dignité, cette "tenue" est sans morgue, elle est même élégante. Je ne suis pas devin, et j'ignore ce que seront les gestes du gouvernement, ni même s'il y aura des "gestes". J'ignore si les vacances de Pâques essouffleront la mobilisation actuelle, où si le mois de mai 2009 sera un mois de radicalisation. Je sais cependant une petite chose : plus de mépris ! Nul ne peut mesurer aujourd'hui ce que seraient les conséquences d'un gouvernement qui continuerait de regarder ailleurs et de ne pas écouter ces légitimes revendications.

J'ai parlé à deux jeunes lycéens de 15 ans ; j'ai parlé aussi avec une dame de 85 ans. Cette amplitude me dit que ce gouvernement doit plancher un peu plus attentivement sur son train de réformes, et y inclure impérativement une dimension sociale, sinon, alors qu'on serine le bien fondé du fameux "principe de précaution" désormais constitutionnel, sinon la colère risque de s'étendre et de s'exprimer violemment.