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30 septembre 2013

Mon âme par toi guérie

Mon âme par toi guérie

Le pouvoir de l'amour...

Frédi (Grégory Gadebois, grandiose) a perdu sa mère. Cette dernière lui a transmis un don, dont il ne veut pas entendre parler. Il veut continuer sa vie tranquille entre son père (Jean-Pierre Darroussin, parfait), ses amis Josiane (Marie Payen, épatante), Nanar (Philippe Rebot), et son métier d'élagueur d'arbres.

Mais il se trouve peu à peu contraint de reconnaître que ses mains guérissent... Il s'interroge. D'où vient ce don ? Qu'importe, il l'accepte...

Et il se retrouve à devoir essayer de guérir un gamin dans le coma parce qu'il l'a renversé avec sa moto devant une mère désespérée (Agathe Dronne, superbe), une petite fille atteinte de leucémie devant une mère (Nathalie Boutefeu, très émouvante) qui tente le tout pour le tout, un homme (Stéphan Wojtowicj, impeccable) atteint d'une subite et grave hémorragie...

Sa rencontre avec la belle et étrange Nina (Céline Sallette) donnera-t-elle un sens à sa vie ?

"Mon âme par toi guérie" est une adaptation du roman "Chacun pour soi, Dieu s’en fout" publié en 2009 et rédigé par François Dupeyron en personne.

Je ne suis pas particulièrement amateur du cinéma de François Dupeyron, et c'est d'abord le couple Gadebois/Sallette qui m'a attiré vers ce film. Nous devons, entre autres films, à François Dypeyron "Drôle d'endroit d'une rencontre" (1988), "Un coeur qui bat" (1991), "C'est quoi la vie ?" (1999), "La chambre des officiers" (2000) mon préféré, "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran" (2002), "Inguélézi" (2003), "Aide-toi le ciel t'aidera (2008). Ici, la modestie de sa réalisation, l'humilité des gens qu'il filme, sa direction d'acteurs, fait indéniablement "passer un cran" à son cinéma.

Il a sué sang et eau pour produire ce film. Aucune chaine publique n’a voulu investir de l’argent et tous les distributeurs consultés ont rejeté le projet du cinéaste. Des producteurs voulaient supprimer des dialogues jugés trop crus, d’autres trouvaient que le sujet n’était pas traité, certains ont même qualifié le scénario de "merde". Le metteur en scène était sur le point de plaquer définitivement le cinéma quand un de ses amis l’a mis en contact avec Paulo Branco, un producteur indépendant qui a tout de suite accueilli le projet à bras ouverts. Il n’hésite pas à faire part de son ras-le-bol quant aux producteurs de chaines de télévision : "On est dans un système soviétique, la Télé dit oui, tu fais le film, elle dit non… tu peux aller te coucher, va crever la gueule ouverte. C’est ça qui m’arrive, je suis en train de crever…", explique-t-il. Il va jusqu’à comparer la télévision au parti communiste tchécoslovaque tant les réalisateurs en sont selon lui dépendants.

Selon moi, le film est réussi surtout grâce à ses comédiens. Jean-Paul Darroussin, Marie Payen, Philippe Rebot, Agathe Dronne, Nathaie Boutefeu sont terrible de véracité, presque de crudité, interprétant avec une grande classe des gens qu'on ne voit jamais au cinéma, des petites gens victimes de la crise économique et sociale, vivant dans des mobil-home, faisant tout pour joindre les deux bouts. Des oubliés.

Mon âme - Grégory Gadebois

Devant eux, l'incroyable Grégory Gadebois ! Massif, taiseux, il est sublime. Frédi ressemble aux héros tragiques des films noirs hollywoodiens, souhaitant vivre en paix, mais toujours rattrapés par le destin. En une dizaine d'années, de petits rôles en seconds rôles, il peut porter un film. Depuis "Le chignon d'Olga" de Jérôme Bonnell en 2001, il égraine les belles partitions : dans "La Blessure" de Nicolas Klotz, "Les yeux clairs" de Jérôme Bonnell, dans "Pars et reviens tard" de Régis Wargnier, dans "Musée haut, musée bas" de Jean-Michel Ribes, dans le sublime "Capitaine Achab" de Philippe Ramos, dans "MR 73" d'Olivier Marchal, "À la frontière de l'aube" de Philippe Garrel, "Angèle et Tony" d'Alix Delaporte dont je ne dirai jamais assez tout le bien que j'en pense, "Les Adieux à la Reine" de Benoît Jacquot, "À moi seule" e Frédéric Videau, "Pop Rédemption" de Martin Le Gall. On comprend à certains titres, à certains réalisateurs surtout, que Grégory Gadebois n'a pas choisi un parcours particulièrement facile, mais c'est son exigeance qui, selon moi, lui permet de porter sur ses épaules "Mon âme par toi guérie". Et ce n'est pas terminé, car tout laisse penser qu'il fera une très grande carrière.

Mon âme - Sallette et Gadebois

À ses côtés, arrivant dans la seconde partie du film, une comédienne que j'aime beaucoup : Céline Sallette. Avant d'en arriver à ce très beau rôle de jeune femme perdue, toujours saoûle une coupe de champagne à la main, elle a fait un parcours discret, mais marqué par de très grands cinéastes : "Les Amants Réguliers" puis "Un été brûlant" de Philippe Garrel, "Avant l'aube" de Raphaël Jacoulot, "Au-delà" de Clint Eastwood, le parfait "L'Appollonide" de Bertrand Bonello où elle est inoubliable, "Ici bas" de Jean-Pierre Denis, "De rouille et d'os" de Jacques Audiard. Je ne doute pas un instant du fait qu'elle peut susciter l'intérêt de cinéastes de plus en plus nombreux, et qu'elle peut envisager une carrière remarquable.

Avec "Mon âme par toi guérie", François Dupeyron impose un univers très original, énigmatique et attachant. Le naturel des situations est confronté à l'émouvant récit d'une rédemption tout autant qu'à une sorte de conte de fées vériste. Cette hybridation au dosage subtil fait toute la singularité du film.

Pas parfait mais attachant par sa liberté de ton et de fond, le film se révèle une fable sombre de notre ère de crise, un blues poisseux où pointe un peu de lumière - mais pas trop. Lyrisme, lumière hivernale, humanité servent ce film ultrasensible tourné avec les habitants de Fréjus et sur les motos qu’aime tant Grégory Gadebois, magistral de bout en bout et figure de plus en plus affirmée du cinéma français. Il est au-delà du sensationnel dans sa façon de jouer qu'il ne joue pas. Un modèle de tendresse humaine.

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