Un autre homme

Doutes et désirs masculins. François ne connaît rien au cinéma mais doit chroniquer des films pour un petit journal de la Vallée de Joux. Il vie avec sa fiancée Christine, institutrice, une vie très calme. Rosa Rouge est une critique reconnue qui travaille dans le plus grand quotidien du pays. Une relation perverse s'instaure entre eux, menant François à découvrir les mécanismes du désir. Celui d'une femme, celui de la critique, puis finalement les siens. Lionel Baier est un cinéaste suisse dont je regarde le travail avec attention depuis "Garçon Stupide" en 2005, très réussi. Vint ensuite "Comme des voleurs (à l'Est)" en 2007, tout aussi réussi. C'est donc ici son troisième film. Il est par ailleurs scénariste et directeur de la photographie. Une nouvelle fois, le réalisateur s'intéresse aux troubles : double vie, imposture, désirs, identité sexuelle... Et pour nous éclairer, il nous propose un film subtile, agrémenté de dialogues drôles, habiles, parfois cruels. Il étudie au plus près le mécanisme des désirs, sexuel, sentimental, professionnel... Sa caméra filme telle une chorégraphie complexe cette valse des corps, dans un noir et blanc parfait, s'approchant notamment de son principal protagoniste avec beaucoup de sensibilité, au ras de son épiderme et de ses poils. Nous sommes alors les spectateurs de ce François, lui-même davantage spectateur de sa propre vie qu'acteur de son existence. C'est passionnant. Robin Harsch incarne parfaitement cet homme très "aérien", soutenue par Elodie Weber dans le rôle de sa fiancée Christine plus déterminée que lui, et par l'excellente Natacha Koutchoumov (qui apparaît dans chaque film de Lionel Baier) dans le rôle de Rosa Rouge, moins manipulatrice qu'elle ne le voudrait. Et si le film est si passionnant, outre le fait qu'il filme admirablement le corps de son héros, c'est parce qu'il filme tout aussi bien ses hésitations, ses doutes, ses errements, jusqu'à ce qu'il parvienne à s'affirmer et à choisir... s'il s'affirme, s'il choisit. Cette ronde dans le masculin, de façon moins violente et beaucoup plus légère, rappelle les films et les interrogations de Bruno Dumont. Un très beau et très ironique voyage en pays masculin.