14 juillet 2009

Etrange 14 Juillet.

Cette fête calendaire est très étrange, d'autant que j'habite à quelques pas de la Place de la Condorde. C'est donc à la fois, un immense défilé militaire, la commémoration (ou ce qu'il en reste) d'une date hautement symbolique dans l'histoire de notre pays, l'occasion de voir un beau feu d'artifice la nuit tombée, et d'aller dans un bal populaire. Mélange dissonnant de festivités où chacun pourrait trouver son compte.

Je me suis levé tôt. Ma rue était bleu-marine, à cause de sa proximité avec la Place de la Concorde. C'est une sensation étrange, dans cette petite rue vide, de voir tous ces CRS et leurs cars. Dans ma tête résonnaient encore les informations de ce matin. Un cocktail lui aussi détonnant. Ruth Halimi est ravie que la Justice puisse se muer en Vengeance grâce à l'intervention du Crif et de l'assentiment de MAM ; l'armée est le troisième budget de l'Etat après l'Education et le remboursement de la dette ; le soleil est au rendez-vous ; Orelsan censuré aux Francofolies sans qu'on sache par qui ; le portrait de Sarkozy diffusé hier au soir sur France 5 est très contesté, car pour le moins très subjectif ; Montreuil en Seine-Saint-Denis n'est pas à l'abri de nouvelles échauffourées après qu'un jeune a perdu un oeil à cause d'un flashball ; ce soir aux frais des contribuables (environ 500.000 euros) Notre Jauni National, digne représentant ce qui se fait de plus jeune en France, donnera un concert "gratuit ; etc...

Rien ne vaut une promenade digne de Patrick Modiano pour se détacher de tout ça, faire le vide, et chasser la mélancolie. Zaza de Mongoland se repose probablement, MisterNo est allé jouer au frisbee et pique-niquer aux Buttes Chaumont ou ailleurs, Choube est probablement au volant de sa voiture revenant de Toulouse, Zézette est au bord de la mer ou à la campagne ; MuMu doit retrouver ses anciens copains à La Tranche sur Mer, Arnold doit jouer au touriste avec son fils ; SuperU est parti améliorer son allemand à Hambourg...

Et j'essaie de ne pas constater que ma vie est loin du tumulte, que je ne suis décidément pas à l'unisson. Je vais aller m'asseoir sur "mon" banc aux Tuileries et je lirai le supplément estival du Canard Enchaîné, "Les petits et les gros profiteurs de la crise", tout un programme.

"Pour cause de sécurité évidentes", les Tuileries sont fermées. Les jardins du Palais Royal sont déjà surpeuplés. Je vais marcher. J'aime bien marcher. Je fais comme si j'avais un pécule à dilapider, et je regarde les soldes dans les vitrines de la Rue Saint Honoré, et des Halles où les rues sont piétonnes. J'aperçois François Bégaudeau à la terrasse du Père Tranquille, lisant son quotidien en piochant dans sa salade. Il est seul et très beau. Moi, j'ai l'air d'un ange décati, habillé tout en blanc. Je vais quand même continuer de marcher jusqu'à Bastille, en traversant le Marais puis la Place des Vosges. C'est mon incursion dans un des multiples univers "bo-bo" de Paris. Je regarde les visages, et peu sourient. On ne dirait pas un "Jour de Fête" comme sur l'affiche du MK2 Beaubourg.

Je rentre, et je vais lire un peu. Ou faire une sieste, afin de commencer les vacances, dans 10 jours, déjà reposé. Ce sera toujours ça de gagné. Je mange une demi boîte de Finger, fondants à cause de la chaleur. Je branche mon climatiseur. Il rafraîchit l'air, mais pas les idées. Oussama m'envoie un SMS, toujours aussi poétique : il veut me trouer. Finalement, je choisis la sieste, parce que je n'ai pas envie de lire, que la TV m'assomme, et que "20.000 lieues sous les mers" sur France 3, ça me rappelle mes profondeurs. Voilà, ça fait du bien une petite sieste.

Je lis quelques poèmes de Rilke, je surfe un peu sur internet : j'ai envie de lire le national élan compassionnel pour Ruth Halimi, et les fourgons de haine déversés sur les jeunes en colère de Montreuil. Et je lis avec une certaine déception que mes craintes sont avérées, compassion pour la première, haine pour les seconds. Ce soir, je vais regarder "Un monde sans pitié" d'Eric Rochant sur Arte, ça me rappellera des souvenirs, une époque. Et rien que le titre, il est tellement à l'image de ce 14 juillet 2009...