Mammuth

Les voyages forment la vieillesse.

Serge Pilardosse vient d'avoir 60 ans. Il travaille depuis l'âge de 16 ans, jamais au chômage, jamais malade. Mais l'heure de la retraite a sonné, et c'est la désillusion : il lui manque des points, certains employeurs ayant oublié de le déclarer ! Poussé par Catherine, sa femme, il enfourche sa vieille moto des années 70, une " Mammut " qui lui vaut son surnom, et part à la recherche de ses bulletins de salaires. Durant son périple, il retrouve son passé et sa quête de documents administratifs devient bientôt accessoire...

Voici donc la quatrième opus de Gustav Kerven et Benoît Delépine, après "Aaltraé en 2004, "Avida" en 2006, puis "Louise-Michel" en 2008, magnifique film.

Nous voici partis pour un road-movie social, qui sous ses airs drôles, poétiques, mélancoliques, évoque des problématiques importantes. En effet, "Mammuth" est un film politique, qui pointe l'absurdité du monde du travail. Il y a là un manifeste anti-bling-bling, qui parvient à subtilement moquer les patrons, les femmes fatales, le pognon, les cyniques, pour ne s'attacher qu'aux laissés pour compte, les fausses brutes au coeur tendre, aux fantômes de jeunesse, aux handicapés doux rêveurs.

Même si le film oscille brillamment entre fantaisie et gravité, la mélancolie est constante, et la description d'une désillusion fataliste est particulièrement émouvante. Dans la peau de cet homme qui va réapprendre à vivre, il y a toute l'humanité, d'une incroyable épaisseur.

La distribution est grandiose, et derrière Gérard Depardieu et Yolande Moreau, on croisera Anna Mouglalis, Benoît Poelvoorde, Isabelle Adjani, Miss Ming, Bouli Lanners (présent dans tous les films de Kerven & Delépine), Siné, et Philippe Nahon (qu'on a vu récemment dans le très bon "Lignes de front" de Jean-Christophe Klotz aux côtés de Jalil Lespert).

Comment ne pas revenir sur le jeu magnifique du colossal Gérard Depardieu, qui depuis "Les temps qui changent" de André Téchiné en 2004, et "Quand j'étais chanteur" de Xavier Giannoli en 2006, n'avait pas de rôle a sa démesure. En taiseux, il est bouleversant de bout en bout.

Il faut aller voir ce grand film, engagé, sérieux, trash, drôle, émouvant, porté par un Gérard Depardieu monumental. On en ressort avec ce petit surcroît d'humanité qui nous manque terriblement.