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30 avril 2011

Animal Kingdom

Animal_KingdomUne famille, ou une meute ?

Une rue anonyme dans la banlieue de Melbourne. C’est là que vit la famille Cody. Profession : criminels. L’irruption parmi eux de Joshua, un neveu éloigné qui se retrouve orphelin après la mort par overdose de sa mère, offre à la police le moyen de les infiltrer. Il ne reste plus à Joshua qu’à choisir son camp...

David Michôd m'était jusqu'ici inconnu. Et ce sont conjointement les sujets du film et le fait qu'il nous vienne d'Austalie qui ont suscité ma curiosité. Elle a a été hautement récompensée.

Le scénario est très riche, et le film est très maîtrisé, de bout en bout. Il étudie la toxicité des liens familiaux dans un monde régie par la peur. C'est un mélange de tragédie grecque, car on perçoit bien son inéluctabilité, mais une tragédie tempérée par un suspense haletant qui empêche de deviner la fin. De ce point de vue, c'est déjà du grand art. Ensuite, le film se concentre volontairement sur le quotidien d'une famille de gangsters, où le crime n'est en somme qu'une activité ordinaire. Ainsi le film ne cède-t-il jamais à la tentation du spectaculaire pour privilégier l'expérience brute. Tout son ressort est sa violence psychologique latente, à la limite du supportable. Pas d'emphase, aucun jugement : que des faits d'une froideur presque clinique.

"Animal Kingdom" n'est pas un film "aimable", en ce sens qu'il ne cède jamais à la séduction superficielle, préférant la sécheresse à l'émotion, la froideur animal au sentimentalisme. Si vous y ajoutez la renversante maîtrise formelle, la lenteur de l'action, et même la presque insensibilité du héros, vous comprenez que, un peu sur les traces de Martin Scorcese ou de James Gray, tout est fait pour vous mettre en état d'alerte sensorielle maximum, et ça fonctionne terriblement bien.

Techniquement, c'est parfait : utilisation brillante de mixage (bruits, musique, et voix assourdis), composition des cadres, gamme harmonieuse des ralentis et des ellipses. Jamais les scènes violentes (braquages, meurtres) ne sont magnifiées, et sont filmées avec une rare sobriété. C'est une peinture du milieu des gangsters impressionnante par son réalisme cru, au service duquel se place la technique, plutôt que de n'être qu'un faire valoir.

Sans son rôle de Janine "Smurf" Cody, la matriarche de la famille, on ne peut plus terrifiante, Jackie Weaver ("Pique-Nique à Hanging Rock" de son compatriote Peter Weir en 1975) livre une interprétation parfaite. Il est peu probable que vous puissiez l'oublier avant longtemps.

Dans le rôle de Joshua, James Frecheville est magnifique, et il n'y a aucun souci à se faire pour lui, Hollywood devrait lui proposer d'autres beaux rôles. Posséder à ce point, et si jeune, un évident talent pour les silences, la colère contenue, c'est être incontestablement doué.

Toute la fratrie Cody, derrière la mère, est au cordeau : Ben Mendelsohn (Pope Cody), Luke Ford (Darren Cody), Sullivan Stapleton (Craig Cody) sont impeccables. Nous reverrons prochainement Sullivan Stapleton dans "December Boys" de Rod Hardy donnant la réplique à Daniel Radcliffe, et dans "The Hunter" de David Nettheim face à Willem Dafoe et Sam Neil : à suivre de très près.

Dans le rôle de l'inspecteur Leckie, qui espère confondre enfin cette fratrie de gangsters et la placer derrières les barreaux, et qui pense rencontrer en Joshua le moyen de le faire, Guy Pearce est impeccable, tout en retenue. Sa carrière ne cesse de s'étoffer brillamment depuis 1995 où je le découvris dans "Priscilla, folle du désert" de Stephan Elliot : "LA Confidential" de Curtis Hanson, "L'enfer du devoir" de William Friedkin, "Memento" de Christopher Nolan, "Démineurs" de Kathryn Bigelow, "La Route" de John Hillcoat, et récemment aux côtés de Colin Firth dans "Le discours d'un roi" (dans le rôle de Edward VIII). On l'oublie souvent parmi les meilleurs de sa génération, on a tort.

Il ne faut pas hésiter à aller voir se film qui présente une terrifiante chronique familiale dans un monde de gangsters, dans un difficile mais juste équilibre entre le thriller et le drame sociale. Et cette présentation des personnages parmi les plus ordinairement terrifiants que l'on ait vus au cinéma reste éblouissante.


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