Polisse

Le quotidien des policiers de la BPM (Brigade de Protection des Mineurs) ce sont les gardes à vue de pédophiles, les arrestations de pickpockets mineurs mais aussi la pause déjeuner où l’on se raconte ses problèmes de couple ; ce sont les auditions de parents maltraitants, les dépositions des enfants, les dérives de la sexualité chez les adolescents, mais aussi la solidarité entre collègues et les fous rires incontrôlables dans les moments les plus impensables ; c’est savoir que le pire existe, et tenter de faire avec… Comment ces policiers parviennent-ils à trouver l’équilibre entre leurs vies privées et la réalité à laquelle ils sont confrontés, tous les jours ? Fred, l’écorché du groupe, aura du mal à supporter le regard de Melissa, mandatée par le ministère de l’intérieur pour réaliser un livre de photos sur cette brigade.

Après "Pardonnez-moi" en 2006, puis "Le Bal des Actrices" en 2009, Maïwenn Le Besco nous livre son troisième opus, qui contient toute sa rage de filmer, et elle y met toute son énergie, assumant, comme elle le dit elle-même, tout le "bordel organisé" que cela suppose.

Il s'agit d'un film choral, d'un faux documentaire, d'une chronique âpre et réaliste, nous plaçant au coeur de la BPM, qui nous montre avec empathie le travail de ces policiers, avec humanité le sort réservé aux petites victimes. C'est souvent à vous arracher le coeur.

Incontestablement, le scénario et les dialogues (co-écrits avec Emmanuelle Bercot) sonnent juste, et la mise en scène déploie une énergie remarquable. Mais il ne faut pas non plus, selon moi, tomber dans le flot excessif de louanges, et noter quelques réserves. La première est que Maïwenn aurait du se dispenser de la romance entre elle et Joey Starr, qui n'apporte strictement rien, même au prix de ne pas être face à la caméra. La seconde tient de la mise-en-scène, très flemmarde, qui s'apparente davantage à une série TV qu'au cinéma.

Ce qui n'ôte rien à la qualité de l'interprétation. Là, c'est époustouflant, et le filme pétille de "performances" servies par des acteurs de haute volée. Joey Starr exprimant son désarroi devant le sort d'un gamin qu'il faut séparer de sa mère pour des raisons sociales, Marina Foïs déboussolée devant le corps d'un bébé mort-né, Karin Viard pétant les plombs devant ses collègues de la BPM, etc... pour n'en citer que quelques-unes.

Impossible de ne pas saluer l'ensemble de la distribution : Karin Viard (Nadine), Joey Starr (Fred), Marina Foïs (Iris), Karole Rocher (Chris) découverte dans "Stella" de Sylvie Verheyde en 2008, Frédéric Pierrot (Balloo) un des plus intelligents seconds rôles du cinéma français et acteur chéri par Bertrand Tavernier, Emmanuelle Bercot (Sue Ellen), Nicolas Duvauchelle (Mathieu), Naidra Ayadi (Nora) découverte dans l'excellent "Zim & Co" de Pierre Jolivet, Jérémie Elkaïm (Gabriel).

Dans des rôles plus secondaires, admirables aussi sont Riccardo Scarmacio, Sandrine Kiberlain, Audrey Lamy, Marcial Di Fonzo Bo (que j'adore), Anthony Delon, Lou Doillon... ainsi que tous les parents et tous les enfants qui trouvent leur place dans ce film touffu.

Le film permet de bien rendre compte du degré d'intensité et de l'état de nerfs et d'épuisement de l'ensemble de la société française. Et c'est à mon sens là le meilleur du film.

Incontestablement le film laisse une empreinte durable, tant il dégage de "vie", tant il dégage d'empathie, tant il respire d'authenticité, tant son interprétation frise la perfection.
Mais il suscite aussi un questionnement : qui est mis en valeur ? Ces flics admirables, ou les célébrités qui les incarnent ?