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12 novembre 2011

Bonsai

BonsaiEducation romanesque et éducation sentimentale.

Julio rencontre un vieil écrivain qui cherche un assistant pour dactylographier son dernier roman, mais il n’est pas retenu. Pour donner le change à Blanca, sa maitresse occasionnelle, il décide d'écrire un manuscrit qu'il fait passer auprès d'elle pour celui du romancier. Il s'inspire de son histoire d'amour passionnelle avec Emilia, huit ans plus tôt, lorsqu'ils étaient tous deux étudiants en littérature et que chacun prétendait avoir lu Proust...
Où commence la fiction, où s'arrêtent les souvenirs ? Dans ce va-et-vient entre littérature et réalité, les sentiments deviennent aussi complexes et fragiles que l’architecture délicate d’un bonsai.

J'ai découvert Cristian Jimenez en 2010 lorsque j'ai vu son premier film, "Ilusiones Opticas", un film choral qui dressait le portrait d'une multitude de personnage dans un centre commercial de Santiago du Chili. On y retrouvait tous ses acquis de sociologue, puisque c'est la formation qu'il a suivie. Le film était très intéressant.

Ici, il s'agit d'un hommage à littérature, mais aussi à la Nouvelle Vague française - qui était très littéraire - dont Cristian Jimenez se veut un disciple. Bonsai est un drame, construit comme une chronique à tiroirs truffaldienne. Un film inspiré par le premier roman éponyme d'un jeune auteur, Alejandro Zambra, véritable phénomène littéraire au Chili et couvert de prix.

Outre l'histoire et les personnages, je note que Valvidia, ville dont est originaire le réalisateur, par ailleurs une des capitales culturelles du Chili, est un des personnages du film. Elle permet de mettre en valeur tant la grisaille (il y pleut 300 jours par an dit la légende) du drame, tant l'humour décalé et l'ironie légère de ce film délicatement distancié.

La littérature est un lien entre Julio et ses deux amantes, celle d'hier comme celle d'aujourd'hui : Marcel Proust, Gustave Flaubert, Yukio Mishima, Juan Emar, Raymond Carver... Je note que c'est ce dernier qui aura inspiré son "Short Stories" à Robert Altman, et qui lui valut son Lion d'Or à la Mostra de Venise, ce qui n'aura certainement pas échappé à Cristian Jimenez. Quiconque a déjà succombé au vertige de la littérature a toutes les chances d'être captivé par "Bonsai". La chambre de Julio est pleine de livres, jeune il passe son temps à la bibliothèque, plus tard il travaille dans une librairie.

Le réalisateur saisit très bien les méandres d'une éducation, qu'elle soit romanesque ou sentimentale, et les accentue avec beaucoup de talents en oscillant entre passé et présent, entre réalité et fiction. C'est éminemment proustien. Ces méandres sont subtilement symbolisés par un bonzaï que s'offre Julio, qu'il rempotera soigneusement, en prenant soin de lui couper les racines, comme pour couper un peu son passé.

Les comédiens sont épatants. Diego Noguera (Julio), qui avait déjà joué dans "Turistas" de Alicia Scherson en 2009, parvient à rendre crédible les affres de sa vie sentimentale, tant actuelle que passé, son intérêt pour la littérature, avec nonchalance et second degré. C'est lui qui ponctue les aller-retour entre le passé et le présent, entre Emilia et Barbara, entre la fiction et la réalité.

Natalia Galgani est Emilia, la passion amoureuse du temps estudiantin et des premiers pas dans la littérature ; Gabriela Arancibia est Barbara, la romance plus sexuelle que passionnée d'aujourd'hui, ce temps où la réalité passée se "meut en fiction" à mesure que Julio la retranscrit sur le papier.

Ce film ne laisse pas indifférent tant il est inventif et virtuose. Et les voyages entre le passé retranscrit - et peut-être réinventé - et le présent, entre la réalité et la fiction, entre la vie et la littérature sont passionnants, parce qu'universels.

Je ne suis pas surpris que ce film ait été sélectionné à Cannes (Un certain regard), à Cabourg, et San Sebastian. Et même s'il n'est pas destiné à un large public, tous les traits d'union qu'il propose, et qui s'enchevêtrent en une architecture aussi complexe que celle d'un bonzaï, ce film mérite une belle audience. Comme tous les livres et les films auxquels il fait référence.

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