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La Vie ChonChon
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11 décembre 2011

Shame

ShameMâle dans sa peau.

Le film aborde de manière très frontale la question d'une addiction sexuelle, celle de Brandon, trentenaire new-yorkais, vivant seul et travaillant beaucoup. Quand sa sœur Sissy arrive sans prévenir à New York et s'installe dans son appartement, Brandon aura de plus en plus de mal à dissimuler sa vraie vie...

Après "Hunger" en 2008, c'est avec impatience que j'attendais le deuxième long métrage du réalisateur britannique Steve McQueen (II) avec celui qui semble devoir devenir son acteur fétiche, le germano-irlandais Michael Fassbender. Et déjà, j'attends le troisième opus qui les réunira, "Twelve Years a Slave".

"Shame" est certes un film sur l'addiction au sexe, mais c'est bien davantage. Y sont traitées, très intelligemment, la solitude extrême de l'homme moderne, l'incapacité de cet homme à s'aimer et donc à se faire aimer, l'incommunicabilté, les relations sexuelles perçues comme un consumérisme "décomplexé" conséquence de l'ultra-libéralisme et drame humain.

Dès les premières images - impressionnante scène dans le métro de New-York - on sait qu'on est face à un chef d'oeuvre. La virtuosité de Steve McQueen (II) est entièrement mise au service de sujets très délicats, rarement évoqués à la télévision et au cinéma, surtout de façon aussi frontale. A la TV il y a eu la série "Californication" (2007), au cinéma il y a eu "Cloke" de Clark Gregg (2008) et "The Slut" de Hogar Ben Achar (2011), et ça s'arrête là.

Il faut revenir sur la personne de Steve McQueen (II), qui au départ est plasticien. Et non des moindres, puisqu'il fut auréolé du Turner Price en 1999, après avoir exposé dans les plus prestigieuses galeries du monde une oeuvre en référence et hommage à Buster Keaton. On comprend mieux l'attention de l'esthétique de ses films, éblouissante. Ensuite, dès "Hunger", film politique sur les prisonniers de l'IRA, dont Bobby Sands qu'incarnait Michael Fassbender, le réalisateur s'inscrit dans le sillage d'un "cinéma de résistance", s'interrogeant sur le corps, se demandant comment il peut devenir un moyen de résistance, et imprimant son interrogation de la colère, de la honte, et même du dégoût qu'il y a à utiliser ainsi son corps.

Il faut noter que la ville de New-York est très importante de film, et que jamais elle n'avait été filmée de cette façon, que ce soit avec ses images bleutées pour les extérieurs, que ce soit pour ses tons ocres pour les intérieurs. Notons le grand talent de la décoatrice, Judy Becker, qui depuis "Le Secret de Brokeback Mountain" de Ang Lee n'a cessé d'imprimer ses choix sur de très bons films : "Age difficile obscur" de Mike Mills, "Scandaleusement célèbre" de Douglas Mc Grath, "I'm not there" de Todd Haynes, "Fighter" de David O. RUssel et "We need to talk about Kevin" de Lynn Ramsay.

Dans le rôle de Sissy, la soeur déboussolée de Brandon, on retrouve l'excellente actrice britannique Carey Mulligan, qui depuis "Public Ennemies" de Michael Mann en 2009, ne cesse de crever l'écran : "Brothers" de Jim Sheridan (2010), "Une éducation" de Lone Scherfig (2010), "Never le me go" de Mark Romanek (2011), et le récent "Drive" de Nicolas Winding Refn (2011) qu'elle retrouvera bientôt, avant de jouer, notamment, pour les Frères Coen et Baz Luhrmann. Encore une fois, elle est excellente, jouant avac beaucoup de fragilité sa propre "résilience", différente de celle de son frère. Elle livre une interprétation de "New-York, New-York" remarquable, à la hauteur de celle de Lisa Minelli.

Brandon est incarné, lui, par Michael Fassbender. Il est si magistral, rongé par son addiction à la jouissance froide, que le film se confond avec son personnage. Il est subtilement sobre et follement audacieux tout à la fois. Jusqu'à accepter de jouer son extrême désolation lorsqu'il n'est pas autorisé à entrer dans une boîte de nuit, se "rabattant" dans la back-room suintante d'une boîte gay pour glaner une fellation, scène magistralement filmée. Et son Prix d'Interprétation à la Mostra de Venise est amplement mérité. Il s'inscrit dans le sillage de nouveaux comédiens qui acceptent de livrer leur corps à un réalisateur, les autorisant à observer leur virilité et leur masculinité en même temps qu'ils filment leur grâce fragile. C'est vrai chez James Gray avec Joachin Phoenix, chez Nicholas Winding Refn avec Mads Mikkelsen (Pusher I, II & III, Valhalla Rising), chez Francis Ford Coppola dans "Tetro" avec Vincent Gallo, chez Daniel Monzon avec Luis Tosar dans "Cellule 211", etc...

Pour compléter la distribution, on retrouve James Badge Dale qui a fait l'essentiel de sa carrière dans des séries TV, et que l'on a vu dans la série produite par Steven Spielbelg & Tom Hanks "L'enfer du Pacifique", dans "Les Infiltrés" de Martin Scorsese (2006) et que l'on retrouvera bientôt derrière les caméras de Joe Carnahan, de Marc Forster, de Robert Zemechis, de Gore Verbinski. Il est parfait dans le rôle du collègue certes marié, mais aussi un peu à la dérive, de Brandon. Enfin, on découvre Nicole Beharie, très belle actrice, dont la carrière s'est elle aussi presque exclusivement faite dans des séries TV, notamment "The Good Wife".

Impossible de ne pas évoquer la musique de Harry Scott, particulièrement soignée, et accompagnant les personnages avec grâce, sans trop souligner (ni remplacer, comme cela est souvent fait) le jeu subtile des acteurs.

Scénario, dialogues, images, cadrages, décors, musique, mise en scène, distribution, interprétation... tout contribue à servir la virtuosité de Steve McQueen (II) qui nous propose ici un film irréprochable selon moi.

Avec le réalisateur, on épie les tourments de ce prédateur, comme Fritz Lang traquait le mal qui rongeait l'extraordinaire Peter Lorre incarnant "M le Maudit". La "Honte" de ce sex-addict, son extrême solitude, son incapacité à s'aimer nous prennent au coeur. Et je ne saurais énumérer de façon exhaustive les qualificatifs qui conviennent à décrire ce film : c'est troublant, ténébreux, impudique, fascinant, inoubliable...

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