Adulescence new-yorkaise.

Devenir adulte.

Frances (Greta Gerwig, épatante), jeune trentenaire New-Yorkaise, rêve de devenir chorégraphe.

En attendant, elle s’amuse avec sa meilleure amie et co-locataire Sophie (Mickey Summer, qui n'est autre que la fille de Sting, découverte dans la série "The Borgias"), danse un peu en espérant entrer définitivement dans la compagnie où elle n'est qu'apprentie...

Quand Sophie décide d'emménager avec son petit ami Patch (Patrick Heusinger), Frances s'en va vivre chez ses copains Miles et Benji (Adam Driver et Michael Zegen), et sans le soutien de sa meilleure amie, s'égare un peu, repoussant toujours son entrée de plain pied dans la vie d'adulte.

Nicolas Baumbach, le réalisateur de "Frances Ha" n'est autre que l'acolyte et ami de Wes Anderson, pour lequel il a écrit de très intelligents scenarii, "La Vie Aquatique" en 2003 et "Fantastic Mr Fox". Nous lui devons, à la réalisation cette fois, l'excellent "Les Beckman se séparent" en 2005, "Margot va au mariage" en 2007, puis "Greenberg" en 2010, déjà avec Greta Gerwig.

Cette épatante actrice compte déjà à son actif, quelques films très remarqués : "LOL" (version US) en 2006, "Une aventure new-yorkaise" un téléfilm d'Olivier Lecot avec Jonathan Zaccaï et Fanny Valette, "The Dish and the Spoon" de Alison Bagnall en 2011, "Sex Friends" de Ivan Reitman avec Natalie Portman et Ashton Kutcher aussi en 2011, "To Rome with Love" de Woody Allen en 2012, et nous la reverrons bientôt dans le très attendu "EDen" de Mia Hansen-Love. Il est évident, selon moi, parce que son profil n'a rien d'hollywoodien, parce qu'elle est "atypique", qu'une carrière intéressante pourrait s'ouvrir à elle.

Nicolas Baumbach a tourné une partie du film à Sacramento où Greta Gerwig a grandi. La comédienne a réussi à convaincre des membres de sa famille de participer au tournage de "Frances Ha" en leur expliquant qu’ils auraient très peu de texte à apprendre. Son frère, sa sœur, ses nièces et ses parents sont parvenus à oublier la caméra et se sont révélés être des acteurs au naturel impressionnant.

Le réalisateur décrit le processus d’écriture du film : "Avant même de savoir qui était le personnage de Frances et quelle serait la nature du film, nous nous envoyions par email un document intitulé "projet sans nom, fille de 27 ans" que chacun complétait. Les idées proposées par Greta sont des détails significatifs et précis, qui semblent avoir l’air ordinaires mais dans le contexte de ce film peuvent être extraordinaires et représenter de grandes décisions pour les personnages – des moments de cinéma. J’ai été inspiré par ces petites notes et très tôt j’ai vu à quoi pourrait ressembler le film."

C'est volontairement qu'il a choisi de réaliser son film avec une équipe réduite et un petit budget. Le réalisateur a aussi eu la chance de n’avoir aucune contrainte de temps grâce à deux producteurs brésiliens qui lui ont laissé une totale liberté. Le tournage a finalement duré un an – cinquante jours avec des interruptions - et s’est déroulé dans différentes villes. 

Malgré la liberté de ton qui règne dans le film, Noah Baumbach a laissé peu de place à l’improvisation lors du tournage. Très précis sur le texte que lui et Greta Gerwig avaient écrit, il demandait à ses comédiens de rejouer la même scène jusqu'à obtenir la prise parfaite : "C’est drôle que les gens trouvent le film spontané car tout est millimétré et filmé des dizaines de fois : Noah utilise souvent l’une des dernières prises tournée et préfère tourner en un seul plan que de multiplier les angles de prise de vue, ce qui peut rendre fou. En tant qu’acteur, il est agréable de pouvoir explorer toutes ces nuances : à la fin, on laisse de côté toute intellectualisation de la scène", raconte la co-scénariste du film. Pour écrire le scénario, Greta Gerwig s’est inspirée de sa propre expérience ainsi que de celle de ses amis artistes cherchant à percer à New York : "Je connais beaucoup de danseurs qui ont fait l’expérience de Frances dans le film : être en apprentissage et ne pas être retenu dans une compagnie, c’est terrible car on a donné beaucoupd’années de sa vie. Cette situation est une métaphore pour ce que traverse Frances. Le scénario contient aussi des éléments de la vie de Noah qui sont plus enfouis."

Le noir & blanc est très beau, et le film nous aussi vaut d'apprécier, encore et toujours, "Modern Love" de David Bowie.

Sous son charme presque volatil de film d’époque, "Frances Ha" dévoile un questionnement social et affectif nettement plus entêtant, et qui n’est pas le moindre des sortilèges de la muse Greta Gerwig. Il y a de la magie, quelque chose d'ébouriffant dans les gestes aériens de Greta Gerwig qui, dans sa chute, trouve une manière de félin à retomber sur ses pattes - ce qui est bien l'une des choses que l'on ait le plus envie de voir au cinéma.

Impossible de résister au charme maladroit et à la bonne humeur à toute épreuve de cette anti-héroïne qui trimballe sa jolie nonchalance dans une image en noir et blanc élégante, et nous embarque dans son épatante valse des sentiments. "Frances Ha" n’est pas un film d’auteur esthète et contemplatif, c’est tout à fait autre chose : une œuvre follement gaie et mélancolique à la fois, dans laquelle le sentiment qui domine est l’impression ou la crainte de passer à côté de la vie.

"Frances Ha" est un délicat cocktail de tendresse et d'humour, pétillant, étourdissant, assorti de musiques emballantes et, comme il sied à des personnages aussi attachants et à un décor new-yorkais sublimé à chaque plan, servi dans un noir et blanc somptueux. Que demander de plus ? C'est assurément et d'ores et déjà un des meilleurs films de l'année.

La vie de cette Frances Ha, enchanteresse et désenchantée, capable d’être aussi délicieuse qu’horripilante devient la nôtre pendant une heure et demie. Une nouvelle comédie new-yorkaise exquise et pétillante qui nous redonne envie de croquer dans "la grosse pomme" qu'est la vie.