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4 juin 2012

Les Femmes du Bus 678

Les Femmes du Bus 678Harcèlement sexuel en Égypte.

Fayza, Seba et Nelly, trois femmes d’aujourd’hui, aux vies totalement différentes, s’unissent pour combattre le machisme impuni qui sévit au Caire dans les rues, dans les bus et dans leurs maisons. Déterminées, elles vont dorénavant humilier ceux qui les humiliaient. Devant l’ampleur du mouvement, l’atypique inspecteur Essam mène l’enquête. Qui sont ces mystérieuses femmes qui ébranlent une société basée sur la suprématie de l’homme ?

"Les Femmes du Bus 678" ne reprend que des faits réels. Tous les exemples de harcèlement sexuel montrés dans le film sont inspirés de témoignages d'agresseurs, recueillis par le réalisateur. Ce dernier s'est surtout inspiré de l'affaire Noha Rushdi en 2008, qui représente le premier procès pour harcèlement sexuel en Égypte. Victime agressée par un inconnu dans les rues égyptiennes, cette femme a été la première à oser affronter son agresseur et porter plainte contre lui. Elle a finalement réussi à le faire condamner à trois ans de prison.

Chacune des trois femmes appartient à un milieu social différent de l'autre. Le réalisateur justifie son choix par sa volonté de minimiser les critiques en réunissant tous les milieux sociaux avec leurs différences. Il suit donc les parcours respectifs de Fayza, une femme voilée qui vient d'un milieu très modeste, Seba, une bourgeoise qui peut se permettre de vivre seule, et Nelly, qui incarne la jeunesse révoltée. Tout au long du film, les parcours des différents personnages ne cessent de se croiser. Le réalisateur justifie cette approche par son penchant pour la structure des films de la "nouvelle vague mexicaine" et en particulier ceux d'Alejandro Gonzalez Innaritu. Concernant ses influences, il cite encore des réalisateurs comme Walter Salles, Fatih Akin, Terrence Malick ou Quentin Tarantino, sans toutefois leur arriver à la cheville.

Le réalisateur se défend des interprétations de son film qui voient dans l'Islam une cause du harcèlement sexuel en Egypte. Le metteur en scène, étant lui-même musulman pratiquant, montre que les pays qui souffrent le plus de ce fléau sont l'Inde et le Mexique, et que le point commun entre ces pays et le sien reste l'économie, pas la religion. Par ailleurs, il explique l'attitude des personnages masculins dans le film comme Sheriff, le mari qui refuse de voir sa femme après son agression, par le côté traditionnel : "Là encore, cela n’a rien à voir avec l’Islam, mais remonte à une tradition plus ancienne. L’image de la masculinité est faussée, déformée. Rien ne doit arriver à votre femme, même si ce n’est pas de sa faute."

Mohamed Diab est un réalisateur atypique : il a fait des études de commerce, il a trouvé son premier emploi dans une banque, mais il a toujours été féru de cinéma, et c'est en parlant à ses clients de sa passion qu'il lui fut conseiller de la suivre, pour devenir un scénariste à succès, puis de réaliser son premier long métrage. A l'origine, "Les Femmes du Bus 678" devait n'être qu'un court métrage autour du personnage de Fayza, mais c'est l'actrice qui l'incarne, Bushra Rozza, passionnée par le sujet, qui lui a suggéré d'ajouter les histoires de Nelly et Seba, et décidé de produire le film. Il n'a pas été difficile à convaincre, puisqu'il appartient à une nouvelle génération de cinéastes qui décide de braver les non-dits pour susciter le débat, dans un pays où l'on n'entend plus se faire confisquer le droit à la parole.

Le film se construit donc autour de trois récits parallèles, nerveux, efficaces et captivants. C'est intense, sans la moindre complaisance. Ces trois récits sont porté par trois comédiennes excellentes : Nahed El Sebbaï (déjà vue dans "Les Femmes du Caire" de Yousry Nasrallah qu'elle retrouvera prochainement dans "Après la bataille") est Nelly, que sont époux (Ahmed El Fishawy) ne veut plus voir après sa terrible agression à la sortie du stade ; Bushra Rozza est une chanteuse très populaire en Égypte, très séduisante dans ses tenues à paillettes, ici méconnaissable en Fayza, femme voilée d'un milieu modeste, dont l'époux ne comprend pas ce dont est victime sa femme, et qui finira lui aussi par être un harceleur ; Nelly Karim, la plus jeune, la plus révoltée, qui n'entend pas enterrer ses idéaux, incarne Seba, toujours défendue soutenue par son fiancé Omar (Omar El Saeed). Elles sont toutes trois remarquables.

Oui, le film est victime d'un scénario parfois mal ficelé, d'une mise en scène qui n'est pas tout à fait à la hauteur. C'est évident. Mais, chose rare et donc remarquable, d'une part la force du propos, résolument féministe et politique, jamais trop démonstratif, et d'autre part l'interprétation remarquable des trois comédiennes, probablement due à leur implication sincère, font qu'il faut aller voir ce film.

Le constat de Mohamrd Diab est implacable, mais il est résolument ouvert à l'espoir.

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