Festival de Cannes

Alors, quel palmarès ?

Rappelons en préalable que le Festival de Cannes, ce doit être du cinéma, et donc de l'art, et donc aussi de la politique, et même de la "géopolitique, puisque souvent il faut saluer le cinéma dans son pectre géographique le plus large. Cela détermine un palmarès qui sera différent que s'il ne s'agissait que de simples films au sens de "divertissement".

Il faut rappeler aussi qu'il est difficile de proposer un film pour plusieurs récompense, ainsi le cumul, par exemple, Palme d'Or et Prix d'Interprétation, c'est forcément priver une autre oeuvre d'un prix qui l'aurait mérité.

Difficile enfin de jongler entre Palme d'Or, Grand Prix, et Mise en Scène. C'est toujours un savent équilibre, parfois impossible à réaliser, et qui devrait augurer, lorsque cela apparaît nécessaire, de proposer un nouveau prix, comme ce fut le cas en 1984 avec "Another Country - Histoire d'une Trahison" de Marek Kanievska qui reçut le "Prix de la Meilleure Contribution Artistique".

Comme chacun sait, pour mon anniversaire - à moins que ce ne soit pour les élections européennes ? - le Palmarès sera annoncé ce samedi soir, et non pas demain dimanche, comme habituellement.

Sont devant nous selon moi, pour cette édition 2014, Xavier Dolan pour "Mommy", Jean-Luc Godard pour "Adieu au langage", les Frères Dardenne pour "Deux jours, une nuit", David Cronenberg pour "Maps to the Stars", Bennet Miller pour "Foxcarcher", Bertrand Bonello pour "Saint Laurent", Abderrhamane Sissako pour "Timbuktu", Naomi Kawase pour "Still the Water" (sa "Forêt de Mogari" était sublime), Nuri Bilge Ceylan pour "Sommeil d'Hiver" (dont j'avais adoré "Uzak", "Les Climats", et "Il était une fois en Anatolie"), et Mike Leigh pour "Mr Turner".

- Palme d'Or du Court Métrage :
=> Il est attribué à "Leidi" de Simon Mesa Soto (Colombie).

- Caméra d'Or :
Je ne connais pas tous les premiers films dans la course, lors je vais faire avec "cocorico" et d'après les échos du festival venus jusqu'à nos oreilles : "Party Girl" de Marie Amachoutali, Claire Burger et Samuel Theis (France). Comme c'est l'histoire iconoclaste d'une femme de la soixantaine, qui bosse encore dans une sorte de vieux cabart à inciter les clients à boire, à la frontière franco-allemande, je me dis que Jane Campion pourrait y être très sensible.
=> Déjà récipiendaire du Prix "Un Certain Regard", lui est maintenant attribué la Caméra d'or. Et de toute façon, je n'avais pas entendu beaucoup d'échos des autres films en lice.

- Prix d'interprétation masculine :
Mon coeur penche pour Timothy Spall dans "Mr Turner" de Mike Leigh (GB), mais comme je l'ai déjà écrit, le trio Channing Tatum, David Carrell et Mark Ruffalo (le trio me semblant plus judicieux qu'un seul des trois) me comblerait aussi. Il se pourrait, pour que Bertrand Bonello ne reparte pas sans prix, que soit honoré Gaspard Ulliel dans "Saint Laurent".
=> C'est bon pour Timothy Spall (GB), je suis enchanté !

- Prix d'interprétation féminine :
Mon coeur penche pour Anne Dorval dans "Mommy" de Xavier Dolan, mais le travail de Julianne Moore dans "Maps to the Stars" de David Croneneberg serait également tout à fait approprié. Je ne peux pas écarter, là aussi pour que les Frères Dardenne ne repartent pas les mains vides, que ce prix aille à Marion Cotillard, qui sous la houlette des deux maîtres, propose un travail remarquable.
=> C'est Julianne Moore (USA) qui obtient le prix, ce qui signifie que Xavier Dolan aura un prix majeur, Anne Dorval ayant été écartée.

Ensuite, c'est plus difficile, puisqu'il faut, comme je l'ai rappelé, essayer de proposer un certain équilibre, et éviter le cumul des prix sur un même film.

- Prix du Meilleur Scénario :
=> Je ne risquais pas de faire un pronostic correct, j'ai carrément oublié ce prix. Il échoit à "Leviathan" écrit par Oleg Negin et Andrey Zviaguinstev (Russie), et réalisé par le second.
J'ai honte d'avoir oublié de mentionner Andrey Zviaguinstev, moi qui ici avait salué "Le Retour" (2003) une merveille, "Le Bannissement" (2006) et "Elena" (2011) absolument superbe !

- Prix du Jury :
On ne peut pas exclure "Foxcatcher", puisque c'est "d'après une histoire vraie", ce qui contente souvent le Jury.
Honorer Naomi Kawase, Nouri Bilge Ceylan, ou les Frères Dardenne, pour laisser la place aux deux autres pour le Grand Prix et la Palme d'Or me paraît plausible.
=> Finalement, le prix échoit à "Le Meraviglie - Les Merveilles" de Alice Rorhwacher (Espagne), dont "Corpo Celeste" sorti en 2011 était admirable. Je n'ai pas été clairvoyant, le Jury étant Jane Campion, compte tenu de son féminisme, il est logique que le Prix aille à une femme, ce qui signifiait soit Naomi Kawase, voire Alice Rohrwacher. Dont acte.

- Prix de la Mise en Scène :
Sous réserve des Prix d'Interprétation accordés : Xavier Dolan, David Cronenberg, Bertrand Bonello.
J'exclus Xavier Dolan à que j'honorerais volontiers soit du Prix d'Interprétation pour Anne Dorval, soit pour la Palme d'Or.
Mon coeur bat pour Bertrand Bonnello. Mais la charge anti-Hollywood de David Cronenberg est si jubilatoire...
=> Julianne Moore, a juste titre, ayant obtenu le Prix d'Interprétation, David Cronenberg est désormais hors jeu.
=> Le Jury a préféré l'attribuer à "Foxcatcher" de Bennett Miller (USA). Les Frères Dardenne, Xavier Dolan, Jean-Luc Godard, et Bertrand Bonello restent dans la course.

- Grand Prix :
Toujours sous réserve des Prix d'Interprétation puis de la Mise en Scène :
Bertrand Bonello, David Cronenberg, Naomi Kawase, Nuri Bilge Ceylan, Abderrhamane Sissako.
L'Europe, l'Amérique, l'Asie, le lien "Europe-Asie" avec la Turquie, l'Afrique ? Oui, c'est aussi ça le Palmarès du Festival de Cannes. Et là, puisque je comprends et j'admets un éventuel équilibre, je suis à la peine...
=> Je ne me suis pas beaucoup trompé, puisque ce sont, ex-aequo, "Adieu au langage" de Jean-Luc Godard (Suisse) et "Mommy" de Xavier Dolan (Canada) qui sont ici honorés, alors que je les voyais davantage se voir attribuer la Palme d'Or. Jane Capion honorant Jean-Luc Godard, ça m'amuse...

- Palme d'Or :
Évidemment, toujours sous réserve des Prix précédemment attribués.
Jean-Luc Godard (la Palme ou rien !) ou Xavier Dolan, ou les deux, le plus jeune et le plus vieux de la compétion (une double-Palme qui a ma faveur). Les Frères Dardenne ne déméritent pas, loin de là, mais il ont déjà reçu par deux fois la Palme...
Naomi Kawase, exceptionnelle formaliste, et Nuri Bilge Ceylan tiennent la corde, bien qu'ayant tous deux déjà reçu il y a quelques années, le Grand Prix.
=> Il n'est pas rare que la Palme d'Or succède à un Grand Prix attribué antérieurement. Elle est attribuée à Nuri Bilge Ceylan (Turquie) pour "Winter Sleep - Sommeil d'hiver". J'ai ici manqué de jugeotte, ou plutôt je me suis laissé aller à mes désirs, puisque Jane Campion, armée de son habituelle immodestie, mais non sans logique, a préféré le film le plus difficile d'accès (3H15 !), celui qui mérite le plus d'encouragements. Et le rôle principal tenu par Haluk Bilginer (belle carrière turco-étasunienne) est celui d'un comédien à la retraite, ce qui aurait pu me mettre la puce à l'oreille, le cinéma adorant souvent s'honorer soi-même... Par ailleurs, puisqu'il est question de Turquie, reste à savoir s'il n'y a pas là aussi, une dimension politique que j'ignorerais, le régime d'Erdogan n'étant pas ce qui se fait de mieux, notamment à l'égard des femmes, de la laïcité...

Au final, c'est un Palmarès décevant. Je pense aux injustement et cruellement oubliés "Deux jours, une nuit" des Frères Dardenne (Belgique), à "Saint Laurent" de Bertand Bonello (France), et à "Still the Water" de Naomi Kawase (Japon), tous trois meilleurs formalistes que Jane Campion.
Quant à Abderrhamane Sissako, il n'y a qu'à regarder la composition du Jury...

Et la Palme d'or qui ne va ni à Godard, ni a Bonello, ni à Kawase, ni à Dolan...