La Vraie Vie !

La vraie vie, c'est Auchan...

Tout le monde connaît ce slogan publicitaire. Il se trouve que je suis allé à Auchan, à la Défense, histoire de faire quelques courses pour pas trop cher. Et comme bon nombre d'entre vous, j'ai constaté la multiplication des caisses sans caissières. Cest machines qui produisent, avec leur rayon rouge, un étrange son, une sorte de "gloup" assez terrorisant.

L'humain disparaît donc peu à peu, au profit de la machine. C'est une vieille constatation. Cette éviction de l'être humain, jusqu'aux caisses des supermarchés, devrait nous interpeler davantage, si c'est ça "la vraie vie". Une vie avec moins d'êtres humains.

Souhaitons-nous sincèrement ce monde ? C'est un peu comme il y a dix ans, lorsqu'on souhaitait obtenir une information dans tel ou tel service public, ou dans une entreprise, et que l'on devait se contenter d'une étrange voix qui nous demandait de "taper étoile, dièse ou deux", au lieu de nous offrir la possibilité de dialoguer avec un interlocuteur humain. On a vite découvert les limites d'une telle technique déshumanisante. Mais c'est entré malgré tout dans les moeurs, tandis qu'internet nous a permis souvent d'éviter ce type d'appels téléphoniques stériles.

Mais les caissières ? Ce sont aussi nos soeurs, nos amis, nos voisines ! Vont-elles réellement, pour la plupart d'entre elles, disparaître ? Souhaitons-nous réellement ce monde pour demain, directement inspiré par la pire science fiction ? On ne pourra pas freiner les avancées technologiques qui éviteront à l'humain les tâches les plus pénibles, mais réfléchit-on pour autant aux nouveaux emplois qui permettront aux caissières, entre autres, de trouver un emploi moins aliénant, et qui permettront aussi de recréer du lien entre nous ?

Ces machines qui font "gloup" sont probablement un des signes avant-courreurs d'un monde où, entre l'internet, la télévision, l'ipod... tout sera fait pour nous éviter d'entrer en contact avec autrui. Ces machines qui font "gloup" sont bien là, et nous sommes de fait dispensés de leur dire "bonjour" et "merci".

Cette vraie vie n'a jamais été un de mes souhaits - mes chroniques cinématographiques et littéraires le disent constamment en filigrane - mais il faudra bien que je m'y fasse. En mai 68, il y eut ce mot magnifique, lorsque Daniel Cohn-Bendit fut explusé, "nous sommes tous des juifs allemands", et en mai 2008, il faudra peut-être dire, "nous sommes tous des caissières de supermarché".

Moi, je ne suis pas contre le progrès, mais je ne suis pas pour la disparition des caissières, au profit de la multiplication des machines qui font gloup, je suis pour la métamorphose de la fonction de caissière, pour qu'elles accompagnent dans les rayons les personnes à mobilité réduite, pour qu'elles guident les personnes âgées, pour qu'elles soient promues au rang d'hôtesses d'accueil et d'accompagnatrices. Dans la fausse vie que j'imagine, nous pourrons de nouveau leur dire bonjour et merci.