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La Vie ChonChon
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16 décembre 2008

Contraint d'aimer ?

P_re__Fils___SokourovAimer sa progéniture ? A quelques mois de distance, il se trouve que ZaZa de Mongoland et moi-même avons perdu notre père respectif. Il n'est pas très aisé d'en parler, d'une part parce que ça ne regarde que très modérément autrui, d'autre part parce que nous prendrions le risque d'être, une fois encore, assez incompris. Au préalable, je voudrais distinguer l'amour qu'on est supposé vouer à son père de l'amour qu'on est supposé vouer à sa mère. Il s'agit en effet de sentiments différents, qui ne sont pas animés par les mêmes ressorts. Une mère, en général, sait tisser une espèce de dépendance de l'enfant vis-à-vis d'elle même. Je n'ai pas rencontré le même tissage, la même volonté d'attachement, chez les pères que j'ai rencontrés. Pour ma part, mes parents m'ont toujours dit que je n'étais pas obligé de les aimer, et que réciproquement, ils n'étaient pas obligés de m'aimer. Et cela ne m'a jamais particulièrement choqué, ni même paru anormal. Nous avons essayé de dresser ensemble des rapports harmonieux, susceptibles d'organiser une vie paisible. Une auberge espagnole, une cohabitation réussie. Je crois comprendre, avec une certaine satisfaction, que ZaZa et moi avons eu la chance d'avoir des pères "anti-freudiens" : il ne nous est pas apparu nécessaire de "tuer le père", puisque ces pères courageux avaient pris le soin extrême de préalablement "tuer le fils". J'ai bien conscience que ce que j'écris est susceptible de choquer. Mais je puis assurer que j'ai toujours eu une conscience aiguë de ce qu'est la Liberté, puisque je n'ai jamais été le "sujet dépendant" de ma mère ; que j'ai toujours eu une conscience très aiguë de ce qu'est (ou doit être) l'Egalité, puisqu'aucun sentiment "préétabli" n'est venu perturber mes relations avec mon père. J'ai choisi cependant une photographie issue d'un de mes films préférés, "Père, Fils" de Sokourov, un chef d'oeuvre. Et c'est probablement parce que ce film ne vient absolument pas en contradiction avec ma pensée : ce père et ce fils, au-delà de leur compagnonnage génétique, se sont choisis. Et même après l'annonce du décès, même en regardant la triste boîte en bois devant la terre béante, je n'ai pas été assailli par des larmes pré-fabriquées, des tressaillements copiés et savamment répétés, sous le poids de je ne sais quelle bien-séance familiale attendue et guettée. La contrainte d'aimer, ourdie par des parents dont la seule admiration qu'ils susciteront jamais sera celle de leur progéniture, anesthésiée par un volontaire rétrécissement de leur champ des possibles, je n'en ai pas été la victime. C'est là l'éloge le plus sincère que je puisse offrir à mes parents. Et qu'autrui, surtout les parents - ce qui fait du monde ! - ne puisse le comprendre, ni ne m'étonne, ni m'embarrasse. Ne pas avoir été assujetti à la contrainte d'aimer fut un luxe inestimable.
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