Everything is fine (Tout est parfait)

Le dernier des cinq.

Josh est un adolescent ordinaire, vivant dans une banlieue industrielle, entre le lycée et le skate park. Un matin, il trouve son ami Thomas sans vie. Comme trois autres de leurs amis, celui-ci vient de se donner la mort. Dès lors, Josh se coupe du monde. Seuls Mia, l'ex petite amie de l'un des disparus, ainsi que le père de Thomas, Henri, semblent réussir à percer sa bulle. Certaines réponses viendront; d'autres pas. L'histoire de Josh n'est ni une fable morale, ni une critique sociale désespérée, c'est l'histoire d'un survivant.

Le portrait d'une bande de jeunes, d'êtres excessifs, fragiles et invincibles, lucides et inconscients, tragiques et idéalistes. Un regard humble sur leur part d'ombre vertigineuse, mais aussi sur leur lumière aveuglante. Une bande de cinq bons copains de lycée, dont quatre se sont suicidés. Un sujet hautement délicat, que d'envisager ce que peut devenir celui qui reste.

Un sujet vraiment casse gueule. Pourtant, le québécois Yves Christian Fournier parvient à livrer un film de deux heures qui ne sombre dans aucune facilité. Il parvient à filmer une mélancolie adolescente, loin de toute mièvrerie, et surtout loin de toute sensiblerie. Le film est délicat, car il n'essaie d'expliquer l'inexplicable, et nous n'apprendre presque rien de ce qui a pu motiver ces quatre adolescents dans leur geste fatal. C'est une approche assez maligne : le réalisateur nous donne plus à voir qu'à comprendre.

Maxime Dumontier, qui joue Josh, celui de la bande qui reste, est presque de tous les plans, et se tire très honorablement de cette difficile composition. Il parvient à suggérer son isolement, sans toutefois sombrer dans une noirceur mutique. Le prix d'interprétation qu'il a reçu a Angoulême est parfaitement justifié.

Quelques films déjà ont traité du malaise adolescent ces dernières années : "Elephant", "La tentation d'Aaron", "Après lui"... Je suis personnellement touché que cette thématique puisse intéresser quelques réalisateurs. Et même si ici on n'atteint pas la sensibilité d'un Téchiné dans "Les Roseaux Sauvages" ni la virtuosité d'un Gus Van Sant, le film est très fort. Pourtant, les deux scènes les plus fortes, incontestablement, nous les devons à Normand d'Amours, l'acteur qui joue Henri, le père de Thomas, un des adolescents qui s'est suicidé. Ces deux scènes sont d'une force incroyable, assez pétrifiantes.

Pour clore, je voudrais mentionner le tout début du film, très réussi : le dessin animé fait à partir d'un graph qu'a réalisé sur un mur l'un des adolescent, le représentant par un cyclope qui s'envole vers le monde tel qu'il le perçoit, dans une séquence de dessin animé très onirique. Et c'est très intelligent. Celui qui survit - contre son gré ? - porte en lui tous les autres. C'est difficile. Il n'est pas le frère, le père, la mère... aucune de ces personnes dont on attend et dont on comprend le bouleversement. Mais c'est lui qui connaît tous ces petits moments anodins qui font des jeunes disparus des êtres toujours présents.