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12 janvier 2009

Nuit de chien

Nuit_de_chienCrépusculaire.

Gare de Santamaria, nuit. Ossorio, un homme d'une quarantaine d'années, descend d'un train au milieu d'une foule de réfugiés et de soldats épuisés. C'est dans une ville assiégée que ce héros d'une résistance en débâcle tente de retrouver ses anciens alliés et celle qu'il aime. Mais la situation a bien changé, et les amis d'hier n'ont plus le même discours. Tandis qu'une milice déchaînée terrorise la ville, chacun cherche désormais à sauver sa peau.

Dommage que l'affiche ne soit pas réussie : elle ne représente pas bien le film, qui aurait mérité mieux. Au Festival de Venise 2008, Werner Schroeter a reçu des mains de Wim Wenders, un "Lion Spécial du Jury" pour l'ensemble de sa carrière à l'occasion de la présentation de son film. Pourtant, je me désole d'une sortie française si étriquée.

En effet, ce film a tout pour devenir "culte" : il ne réalisera pas beaucoup d'entrées en France, il est excellent, il dispose d'une distribution impressionnante, et j'y vois quelque chose d'annonciateur en ces temps difficiles. Un univers crépusculaire après lequel une autre ère devrait pouvoir commencer, sans qu'on sache ce qu'elle sera.

Je reviens sur la distribution : Pascal Greggory, Bruno Todeschini, Amira Casar, Eric Caravaca, Jean-François Stévenin, Nathalie Delon, Sami Frey, Bulle Ogier, Elsa Zylberstein... On compte peu de film aujourd'hui, de cette exigence, capable de réunir un tel casting. On comprend que la lecture du scénario a suscité un grand intérêt. Entre les extérieurs-nuit, les monuments colossaux et évidés, les intérieurs interlopes, le film effectue des va-et-vient toujours angoissants, dont les personnages semblent tous perdus, confrontés à une actualité politique en plein bouleversement. On est saisi par la lourdeur de l'atmosphère, grâce à la grandeur des décors, le poids des étoffes, le désarroi de chaque protagoniste devant une sorte de vacance du pouvoir, laissant toute une ville comme abandonnée à toutes les terreurs, à toutes les volontés de prise de pouvoir, à toutes les trahisons et les alliances contre nature.

C'est un Pascal Greggory, une fois de plus admirable, que l'on suit d'un monument vers un autre, d'une rencontre vers une autre. Son jeu subtil le rend presque impénétrable, sans pour autant qu'il nous apparaisse lointain, portant en lui, peut-être, la solution à un désenchantement généralisé à toute la population. On le suit, espérant qu'il trouvera le moyen de nous sortir de ce crépuscule insupportable.

On souhaite ardemment un "Après la Nuit", pour reprendre Henri Troyat, cet après qui ne viendra jamais. Peu nombreux sont les comédiens susceptibles de porter ainsi un film, et surtout un film si près de l'anéantissement, sans en faire des tonnes, au gré de mimiques souffreteuses et de regards empesés, et Pascal Greggory s'en acquitte admirablement. Se dégage de lui une espèce de force perdue et de courage vain, qu'on ne prêterait actuellement qu'à un Olivier Gourmet, un Aurelien Recoing, et quelques autres. C'est admirable.

On ne ressort pas sautillant et ravigoté d'un tel film. Et pourtant, cette vision de crépuscule absolu - aux antipodes des comédies françaises de plus en plus imbuvables - a quelque chose de salutaire, opère un soulagement en soi. Malgré tous les bombardements, malgré tous les incendies, rien ne réchauffe jamais l'implacable lucidité. J'aurais aimé partager ces sensations avec d'autres, mais l'étroitesse de la sortie de ce très bon film est aussi désolante que le crépuscule, la froideur, la tristesse qu'il porte.

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