Sécurisé ou cadenassé ?

La sécurité...

Peu à peu et insidieusement, et comme un simple produit de consommation, la sécurité est devenu une sorte de marotte que tout le monde veut avoir. Tout a commencé banalement, avec la nécessité de la sécurité du citoyen que l'état doit assurer. C'est même une de ses missions les plus importantes.

Puis, par bon sens, par compassion, par intérêt - les raisons sont multiples - il y eut la sécurité routière, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire, sécurité environnementale... et rien de semble pouvoir arrêter nos besoins de sécurité. Le vocabulaire, encore une fois, et comme à chaque fois, a son importance : on aurait très bien pu nous vendre de la "protection", mais on nous a vendu de la sécurité. Il est évident que c'est un produit d'appel qui a fait ses preuves.

Il y aura toujours des gens pour souhaiter davantage de sécurité : sur l'internet, sur leurs emprunts, sur leur emploi... Euh, non ! Pas sur leur emploi ! La sécurité de l'emploi pour le plus grand nombre, ce n'est pas un bon produit d'appel pour les salariés. Ils sont encore nombreux les champs où l'on nous vendra de la sécurité.

Mais jusqu'où cela ira-t-il ? Allons-nous souhaiter de tout blinder ? C'est amusant, ce mot "blindé" : ça signifie à la fois "protégé" et "riche". Comme si on avait soulevé la queue du lapin. La sécurité des riches, le blindage des aisé, ainsi deux fois dix milliards à destination des banquiers...

Maintenant que les prisons sont pleines, que l'on mange bio, que l'on prend les transports en commun, nous faudra-t-il aussi des produits culturels sécurisés, qui sauront nous protéger de tout éveil, de tout esprit de subversion ? Ce peut-il que de la simple nécessité nous en venions à glisser peu à peu vers un tout sécuritaire ? Je me demande si ce n'est pas une nécessité humaine que de vivre, en certains domaines, dans une insécurité salutaire.

Ne faut-il pas que certains films, certains livres, certaines oeuvres d'art nous chahutent, nous bousculent, et sèment le tumulte ? Cela nous a toujours aider à avancer, à progresser, à revoir nos anciennes certitudes. Et comme on peut être considéré par les uns de résistants, par les autres de terroristes, je me dis que la sécurité est toute relative dans un certain nombre de champs de réflexion. Et là où les uns se sentent sécurisés, d'autres se sentent cadenassés. Le but étant que les premiers emportent le pas sur les seconds.

Sécurisé ou cadenassé ? Une question que chacun doit se poser en son for intérieur, en quelque domaine où on lui propose davantage de sécurité. C'est une petite question que nombreux sont ceux à vouloir manifestement éteindre. Mais on ne vide jamais complètement la boîte de Pandore ! Pour ma part, je souhaite vivement pouvoir encore être chahuté et remué, afin que ma raison jamais ne s'éteigne. C'est peut-être étrange à admettre, mais il faut accepter parfois une certaine insécurité. Elle est nécessaire. Même si les apprentis sorciers gouvernementaux pensent autrement. Il est un temps où la sécurisation augmente la liberté de chacun, mais il est aussi un moment où elle cadenasse.