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2 avril 2012

Le Policier

Le PolicierTous soldats, en Israël.

Yaron se trouve au cœur d’un groupe de policiers d’élite, appartenant à une unité anti-terroriste israélienne. Ses compagnons et lui sont l’arme, le fusil pointé par l’Etat sur ses adversaires, « l’ennemi arabe ». Yaron adore l’unité, la camaraderie masculine, son corps musclé, sa beauté. 
Yaron est très excité, sa femme, enceinte est sur le point d’accoucher ; il pourrait devenir père d’un moment à l’autre. Sa rencontre avec un groupe peu commun, violent, radical, le confrontera à la guerre des classes israélienne et à celle qu’il livre à l’intérieur de lui-même.

Nadav Lapid (le fils de Era Lapid, excellente chef monteuse), après avoir réalisé deux courts métrages et un moyen métrage, nous propose cette semaine son premier long métrage, dont on peut déjà affirmer qu'il ne manque pas d'audace. En effet, il met le conflit israélo-palestinien entre parenthèses, pour montrer qu'il existe, dans l'Israël d'aujourd'hui, une grave fracture sociale, et essaie de démontrer que la cohésion du pays est artificielle, en passant outre le tabou de l'unité nationale.

Nadiv Lapid affirme des ambitions formelles, ambitions dont il relève la pari haut la main. Il choisit une approche clinique des conflits qui agitent la société israélienne, avec une mise en scène d'une rigueur très tendue, des cadres tranchants très étudiés (parfois au plus près des corps et des visages), une lumière limpide. Il parvient aussi clairement, sans artifices, à suggérer des ellipses et des non-dits, qui selon lui, semblent être les maux les plus graves de l'Israël.

Il décompose son film en deux parties : dans un premier temps, avec une inspiration naturaliste, il nous présente le groupe de policiers d'élite dans laquelle travaille Yaron, en accentuant une approche virile de son pays et de ses citoyens (n'oublions pas que dans le Pentateuque, l'Israël est toujours au féminin !) ; dans un second temps, il nous présente un groupe d'activistes radical, ayant conscience de la fracture sociale, et étant près à un coup de force pour la dénoncer. Il signe ainsi une charge politique très pertinente, qui a la teneur d'une grenade dégoupillée explosive.

Yiftach KleinLes personnages sont tous très incarnés. En figure de proue, il a choisi, pour incarner Yaron, le sculptural Yftach Klein, qu'il s'amuse avec une part d'ironie, à filmer tel un homme-soldat monolithe, soustrait à toutes les nuances, à toutes les finesses, engagé inconditionnellement dans la tâche que lui a assigné son pays, dont les seules parts d'humanisme résident dans la camaraderie au sein de son unité d'élite, et à la pensée de sa paternité à venir.

Tous et toutes, Yaara Pelzig (Shira), Michael Moshorov (Oded), Manashe Noy (Michael), Michael Aloni (Nathanaël), Gaël Hoyberger, etc... même si ça n'est que le temps d'une scène, parviennent à incarner leur "subtile archétipe". 

Michael Moshorov (qui joue Oded, un des activistes) ne m'est pas inconnu, puisque je l'avais déjà vu dans "Tehilim" de Raphaël Nadjari (2007), dans "Mes plus belles années" de Reshef Levy (2008) et dans l'excellent "Lebanon" de Samuel Maoz (2010). Et nous le verrons bientôt, dans le prochain film de Amos Kollek, intitulé "Restless".

"Le Policier" a couru les festivals, et a reçu, à juste titre, de nombreuses récompenses. "Pris Spécial" au Festival de Locarno ; "Pris du Scénario", "Prix de la plus belle image", "Prix du Meilleur Premier Film" au Festival de Jérusalem ; "Prix du Jury" au Festival des 3 Continents de Nantes... Ces prix mérités sont pour la plupart dus à l'extrême intelligence du propos, et à l'exigence formelle de Nadav Lapid.

Voilà donc un film qui sait, à propos de l'Israël, cerner le ver dans le fruit, autrement dit, l' "ennemi intérieur". De ce point de vue, il y a une universalité du propos. Nous l'avons déjà vu récemment dans "Elena" à propos de la Russie.

"Le Policier" a l'audace de dévoiler une société dans une impasse, entre haine de l'autre, et dégoût de soi-même. Passionnant. Cerise sur le gâteau, j'ai la certitude qu'il faut d'ores et déjà suivre de près Nadav Lapid qui s'affirme ici comme un réalisateur très prometteur, et que nous devrions revoir Yftach Klein, ne serait-ce que pour le dernier regard qu'il porte sur la "mission" de Yaron à la toute fin du film.

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