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La Vie ChonChon
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28 février 2009

Gran Torino

Gran_TorinoChangement de Cap. Walt Kowalski est un ancien de la guerre de Corée, un homme inflexible, amer et pétri de préjugés surannés. Après des années de travail à la chaîne, il vit replié sur lui-même, occupant ses journées à bricoler, traînasser et siroter des bières. Avant de mourir, sa femme exprima le voeu qu'il aille à confesse, mais Walt n'a rien à avouer, ni personne à qui parler. Hormis sa chienne Daisy, il ne fait confiance qu'à son M-1, toujours propre, toujours prêt à l'usage... Ses anciens voisins ont déménagé ou sont morts depuis longtemps. Son quartier est aujourd'hui peuplé d'immigrants asiatiques qu'il méprise, et Walt ressasse ses haines, innombrables - à l'encontre de ses voisins, des ados Hmong, latinos et afro-américains "qui croient faire la loi", de ses propres enfants, devenus pour lui des étrangers. Walt tue le temps comme il peut, en attendant le grand départ, jusqu'au jour où un ado Hmong du quartier tente de lui voler sa précieuse Ford Gran Torino... Walt tient comme à la prunelle de ses yeux à cette voiture fétiche, aussi belle que le jour où il la vit sortir de la chaîne. Lorsque le jeune et timide Thao tente de la lui voler sous la pression d'un gang, Walt fait face à la bande, et devient malgré lui le héros du quartier. Sue, la soeur aînée de Thao, insiste pour que ce dernier se rachète en travaillant pour Walt. Surmontant ses réticences, ce dernier confie au garçon des "travaux d'intérêt général" au profit du voisinage. C'est le début d'une amitié inattendue, qui changera le cours de leur vie. Grâce à Thao et sa gentille famille, Walt va découvrir le vrai visage de ses voisins et comprendre ce qui le lie à ces exilés, contraints de fuir la violence... comme lui, qui croyait fermer la porte sur ses souvenirs aussi aisément qu'il enfermait au garage sa précieuse Gran Torino... Je me suis donc rendu à la messe cinématographique du moment, en allant voir le film aux éblouissantes critiques. Le ChonChon est un peu râleur et se méfie toujours un peu de l'unanimisme. Dans la filmographie de Clint Eastwood, si je place très haut "Impitoyable" (1992), "A minuit dans la jardin du bien et du mal" (1998) et "Mystic River" (2003), je dois bien dire que j'ai été moins, voire nettement moins, enchanté par "Sur la route de Madison" (1995), "Space cow-boys" (2002), "Million dollar baby" (2005), "Mémoires de nos pères" (2006), ou "L'échange" (2008). Clint Eastwood est un bon réalisateur, je ne discute pas là-dessus. Mais je trouve certains de ses films parfois aussi lourds que les grosses pâtisseries américaines. Et quand il est trop évidemment républicain, il arrive à me gonfler. Manifestement, il lui arrivait aussi de se gonfler un peu lui-même ! Et cette cuvée 2009 est un excellent cru. On dirait presque un film testament, où Clint Eastwood se moque de lui-même, ou pour le moins de ce qu'il véhicule. C'est divinement bien fait. Pour commencer, le scénario est simple et bien ficelé, sans effets inutiles. (Je verrai avec le temps si je n'ai pas confondu ici simplicité et simplisme). On comprend très vite comment tout ça va finir, et c'est une des grandes forces du film, qui nous délivre de toute attente, et nous ouvre à davantage de "gourmandise". Ensuite, il faut dire que rares au cinéma sont les dialogues de cette trempe ! Un défilé de grossièretés bougonnes, odieuses, racistes, mais très amusantes. (A ce propos, je plains ceux qui ne pourront pas voir le film en VOST (version originale sous-titrée) parce qu'il n'est pas proposé tel dans leur commune. Je n'ose imaginer les dégâts d'une VF. Quant à ceux qui choisiront la VF (version française) alors qu'ils peuvent faire autrement, que font-ils au cinéma ?) Clint/Walt s'en donne à coeur joie de bougonnerie, de râlerie, de morgue désuète... En vieux bonhomme passéiste qui dans un premier temps refuse de digérer son passé et de s'ouvrir au monde actuel, il est épatant, nourri d'un évident second degré, qui ne renâcle devant rien pour se moquer de lui-même. C'est d'autant plus jubilatoire que Papy Harry n'a pas pour habitude de nous tartiner d'humour. Pour faire face à lui notamment, un frère et une soeur d'origine asiatique, interprétés par Bee Vang et Ahney Her, tous deux excellents face au "monstre sacré", notamment dans quelques scènes d'anthologie. Comment résister à cette scène chez le coiffeur où le vieux Walt décide d'apprendre à son jeune protégé Thao la façon avec laquelle doivent s'exprimer les hommes, les vrais ! J'ai eu l'impression devant "Grand Torino" que Clint Eastwood avait enfin décidé de se donner un autre rôle et de se proposer un autre regard, plus malicieux, plus crépusculaire aussi. Avec les mêmes oripeaux que d'habitude (les flingues, la bagnole, la famille qui fait chier, le curé pontifiant, le veuvage...), il se redistribue avec bonheur les cartes en prenant le tout avec davantage de hauteur et de recul. Sans doute y-a-t-il ici davantage qu'un "film de plus". Certes, à la manière de Scorcese, il en va du christique, du sacrificiel, et de la rédemption. Mais, refusant de conserver comme immuables ses douleurs d'antan, Walt Kowalski apprend à les muer en boucliers nouveaux pour affronter les dangers nouveaux. Le crépuscule d'un homme, d'accord, mais aussi la mort d'un égoïsme. C'est ainsi qu'on transmet, qu'on passe la main, et qu'on tire sa révérence. Cap vers autrui. Mais il n'est pas dit que le temps passant, le charme ne s'érode, le film étant assez manichéen malgré ses évidentes qualités.
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