Watchmen (Les Gardiens)

Quand les super-pouvoirs on tort.

Aventure à la fois complexe et mystérieuse sur plusieurs niveaux, "Watchmen - Les Gardiens" - se passe dans une Amérique alternative de 1985 où les super-héros font partie du quotidien et où l'Horloge de l'Apocalypse -symbole de la tension entre les Etats-Unis et l'Union Soviétique- indique en permanence minuit moins cinq. Lorsque l'un de ses anciens collègues est assassiné, Rorschach, un justicier masqué un peu à plat mais non moins déterminé, va découvrir un complot qui menace de tuer et de discréditer tous les super-héros du passé et du présent. Alors qu'il reprend contact avec son ancienne légion de justiciers -un groupe hétéroclite de super-héros retraités, seul l'un d'entre-eux possède de véritables pouvoirs- Rorschach entrevoit un complot inquiétant et de grande envergure lié à leur passé commun et qui aura des conséquences catastrophiques pour le futur. Leur mission est de protéger l'humanité... Mais qui veille sur ces gardiens ?

Je ne vais pas bouder mon plaisir : le film est très réussi, malgré toutes les craintes que je pouvais avoir. Hier et avant-hier, j'ai pris soin de bien relire le "roman graphique" (parce que c'est tellement plus qu'une BD ordinaire !) de Alan Moore et Dave Gibbons, sachant que j'irai voir le film aujourd'hui. Le film est très réussi pour plusieurs raisons :

=> Il ne trahit pas l'oeuvre originelle, tachant même de lui coller au plus près. Certes, tout n'y est pas (comme la BD que lit le gamin devant le kiosque à journaux où va toujours Kovacs/Rorschach par exemple), mais le plus important était de ne pas trahir les propos de l'oeuvre, et en cela, c'est réussi.

=> Les dialogues sont bien écrits, et la VOST s'impose. Les images sont belles, les costumes sont soignés, le montage est savant et on ne voit pas le temps passer. Pour une fois dans ce "genre" de film (en réalité ce film est un genre à lui seul), la musique n'est pas atroce. Les héros-costumés écoutent plus volontiers "La Tosca" que du Hard-Death-Metal. Délicieux clin d'oeil.

=> Le film n'a pas fait - et très loin s'en faut - des effets spéciaux, son atout majeur. Il y a juste ce qu'il faut, réduisant même les bagarres à la réalisation la plus efficace, sans fioritures. J'étais heureux de voir les "déçus" du film, ceux qui pensaient déjà admirer des super-pouvoirs-magiques, repartir la mine contrite faute d'avoir bouffé leur quota habituel d'explosions en tout genre.

=> Zack Snyder filme décidément bien les hommes, comme il l'avait montré dans "300" tiré de l'oeuvre de Frank Miller. Il filme même Spectre Soyeux 2 avec un second degré auquel je ne m'attendais pas. La complexité de l'oeuvre permet - et souhaite - une lecture à plusieurs niveaux, et Zack Snyder l'a bien compris.

=> La distribution est bonne, et chacun s'acquitte parfaitement de sa partition. Jackie Earle Haley (Kovacs/Rorschach) est un excellent choix, et je suis certain que son rôle dans le prochain Scorsese lui ouvrira grand les portes de Hollywood ; Patrick Wilson (Dreiberg/Hibou 2) est aussi séduisant que dans la série "Angels in America" ; Malin Akerman (Juspeczyk/Spectre Soyeux 2) fait mieux que simple faire-valoir ; Matthew Goode (Veidt/Ozymandias) révèle une autre facette de son jeu après "Match Point", et reste crédible en homme supérieurement intelligent ; Jeffrey Dean Morgan (Blake/Comédien) quitte enfin avec succès ses séries TV ("Les Experts", "Grey's Anatomy"...) mais n'est pas aussi "trash" que dans le livre ; Carla Gugino (Jupiter/Spectre Soyeux 1) se révèle excellente en ex-héroïne costumée vieillissante et alcoolo ; enfin celui qui a derrière lui la plus belle carrière (Sleepers, Tout le monde dit I love you, The Hi-Lo Country, Presque Célèbre, Raison d'Etat... et le prochain Michael Mann !), Billy Crudup (Osterman/Dr Manhattan) accepte sans rechigner son rôle très délicat d'homme bleu dénudé.

=> Le temps ! Oui, tous ces "costumés" sans pouvoirs magiques - ce qui exclut Dr Manhattan - sont sensibles au temps qui passe, et ils vieillissent. C'est très probablement, en dehors de la complexité psychologique de chacun, l'élément le plus important du film. Certes, il y a le danger de la destruction du monde, il y la justice, il y a la vengeance, mais il y a surtout le temps qui passe. Cette conscience du temps, si humaine.

=> A l'époque de la sortie de "Watchmen" le livre, le pari était déjà très osé de faire un pied de nez, même subtil, aux pouvoirs magiques, mais aujourd'hui encore, alors que les Twin Towers se sont écrasées, l'aura supposée d'un Dr Manhattan (rien que le nom...), d'un sur-homme, d'un Dieu Américain, n'est est que plus définitivement "supposée", justement.

=> Les "costumés" ne sont pas des illusions. Et l'on ne peut que songer à Kovacs/Rorschach qui, enfin délivré de sa geôle, réclame qu'on lui rende son "visage", à savoir la cagoule qui cache ses traits. Il est très important de noter que l'acuité la plus aiguë est probablement la sienne, lui qui n'aspire à aucune magie, à aucune cape. Simplement sa cagoule.

=> Notre monde a définitivement besoin de ses schizophrènes, de ses paranoïaques, de ses illuminés - et pourquoi pas de ses "costumés", ses "déguisés" ? - tant que ce sont des hommes sensibles au temps qui passe. C'est plus intelligent de les accepter, que d'attendre le Messie, qui au mieux, tel Dr Manhattan qui reste bloqué à 30 ans, et qui ne sera jamais qu'une "technologie" supplémentaire.

=> Je pourrai écrire encore des pages ! Parce que je suis de ceux qui croient en l'homme. Le mieux reste à inciter chacun à s'offrir (ou se faire offrir) ce superbe roman-graphique de Moore & Gibbons.

Comments

[ChonChon]

Pas de commentaires ne signifie pas, et ne saurait signifier, sans idées ni sans convictions !

Aimer tel CD, tel livre, tel film, telle fringue... c'est souvent, sans l'expliciter, avoir AUSSI des idées.

Prince de la futilité, tu t'adresses à un "Drama Queen" de la superficialité !

^(oo)^

[fredot]

tu as vu que je ne commentais jamais les sujets d'actualité ou politiques ?
Je reste le même, ne s'intéressant qu'aux futilités !

[fredot]

Bon bein me voilà rassuré, je n'ai pas lu toute ta chronique de peur d'en apprendre trop ...
Seul bémol, pas de VOST à Montpellier :-( ... ah la province ...