La fille du RER

L'histoire d'un mensonge.

Jeanne vit dans un pavillon de banlieue avec sa mère Louise. Les deux femmes s'entendent bien. Louise gagne sa vie en gardant des enfants. Jeanne, sans trop de conviction, cherche un emploi. Un jour, en lisant une annonce sur le net, Louise croit que le destin frappe à sa porte. Elle nourrit l'espoir de faire engager sa fille chez Samuel Bleistein, un avocat de renom qu'elle a connu dans sa jeunesse. L'univers de Jeanne et celui de Bleistein sont à des années lumières de distance... Pourtant, ils vont se rencontrer à cause d'un mensonge inouï que Jeanne va échaffauder.

Le film est l'histoire de ce mensonge qui va devenir le fait divers le plus médiatisé et le plus politisé de ces dernières années. Voici le nouveau film d'André Téchiné, décidément très inspiré depuis le début de la décennie : "Les Témoins" (2007), "Les temps qui changent" (2004), "Les égarés" (2003), "Loin" (2001).

Téchiné décide d'aller au-delà de la retranscription d'un fait divers, en l'installant "dans la vie", et se permettant avec audace de l'inscrire dans une fiction. A mon sens, c'est du très beau travail, et c'est d'évidence l'oeuvre d'un grand réalisateur. Pour servir son propos, le réalisateur nous propose une excellente distribution autour d'Emilie Dequenne, à savoir Catherine Deneuve, Michel Blanc, Mathieu Demy, Ronit Elkabetz et Nicolas Duvauchelle. Et grâce à cette distribution, le film montre avec justesse des éléments de la société moderne : Deneuve en "super-maman" avec toujours autour d'elle les gamins du quartier qu'elle garde ; Dequenne et Duvauchelle incarnant un couple qui sort jamais de l'adolescence...

Avoir "dégraissé" à ce point le fait divers, comme l'a fait André Téchiné, me semble être la preuve d'un très grand talent. Comme s'il avait voulu moquer l'emballement médiatique et compassionnel, en nous proposant une "héroïne" légère, presque insouciante, installée dans une vie bien ordinaire, à peine consciente des conséquences de son mensonge, tout aussi irrationnel que l'emballement médiatique lui-même.

Je recommande vivement ce film, même si j'entrevois qu'il affirme des exigences qui devraient satisfaire davantage les critiques cinéphiles que les spectateurs du "grand public".

L'art parvient à hisser, parfois...