Chéri

L'amour d'une vieille cocotte. Dans le Paris du début du XXème siècle, Léa de Lonval finit une carrière heureuse de courtisane aisée en s'autorisant une liaison avec le fils d'une ancienne consoeur et rivale, le jeune Fred Peloux, surnommé Chéri. Six ans passent au cours desquels Chéri a beaucoup appris de la belle Léa, aussi Madame Peloux décrète-t-elle qu'il est grand temps de songer à l'avenir de son fils et au sien propre... Il faut absolument marier Chéri à la jeune Edmée, fille unique de la riche Marie-Laure. Alors que le moment fatidique approche, Léa et Chéri tentent de se résoudre à cette séparation imminente tout en s'apercevant qu'ils sont beaucoup plus attachés l'un à l'autre qu'ils ne voulaient bien l'admettre. J'attends toujours avec plaisir le nouveau film de Stephen Frears. Depuis son premier téléfilm, "My Beautiful Laundrette", je suis sa carrière avec assiduité. "Prick up your ears", "Sammy et Rosie s'envoient en l'air", "Les Liaisons Dangereuses", "Les Arnaqueurs", "The Snapper", "The Hi-Lo Country", "High Fidelity", "Dirty pretty things", "Madame Henderson présente", "The Deal" (téléfilm), "The Queen" : toute son oeuvre ou presque m'a plue, avec régularité, au fil des ans. C'est donc confiant que je suis allé voir "Chéri", d'après Colette. Il n'y a rien à redire sur la reconstitution du Paris de 1910, sur la décoration, le mobilier, les costumes : tout est au millimètre, presque jusqu'à l'ostentation. Les trois actrices sont parfaites : Michelle Pfeiffer (qui est loin d'être parmi mes actrices favorites) est touchante, consciente qu'elle est du temps qui passe ; Kathy Bates est formidable d'entrain et de vulgarité ; Felicity Jones est parfaite en jeune femme silencieuse, retenue, moins idiote qu'on le penserait. Mais pourquoi pas Fu'ad Ait Aattou dans le rôle de Fred/Chéri ? Magnifique acteur révélé par Catherine Breillat dans "La vieille maîtresse" aurait été parfait dans ce rôle. Ou Andy Gillet, découvert par Eric Rohmer dans "Les Amours d'Astrée et de Céladon" ! Parce que Rupert Friend, lui, en jeune homme capable de faire basculer la tête et le coeur d'une riche courtisane sur le retour, qui a donc "du chiffre au compteur", c'est bien peu crédible. Il est fade à faire pâlir. Non pas qu'il joue mal, mais simplement qu'il ne s'impose pas du tout au milieu des trois actrices, pourtant dans un rôle-titre qui aurait justifié qu'il flamboie. Ce n'est pas là ma seule réserve sur ce film. Le tout est certes plaisant, servi par de savoureux dialogues dans certaines scènes : mais le tout manque à mes yeux de panache et de mordant. Il n'y a pas la fougue que j'avais adoré dans "Les Liaisons Dangereuses", leur offrant même une salutaire modernité. Stephen Frears aura probablement un peu trop sacrifié le fond à la forme. L'ostentatoire de tous ces décors ne fait pourtant que davantage ressortir la fadeur, et du héros, et plus cruellement, de certains sentiments. Je le répète, le film est malgré tout plaisant. C'est simplement que devant un réalisateur de cette trempe, j'espérais plus d'élan, plus de trouble, plus d'enchantement et plus de désespoir. Trop d'art nouille dans doute. Reste que Rupert Friend devrait amorcer une belle carrière, eu égard à son regard bleu (de sole, et pas de limande !), et que Stephen Frears, j'en suis certain, saura bientôt nous enchanter de nouveau.

Comments

[emilie]

j'ai lu ce livre de colette (parmi tant d'autre)mais j'ai peur d'être déçue par le film...
pour tes autre articles.. super!
tout mes compliment pour la 800°, cotinue je ne m'en lasse pas et j'aimerais avoir un tel talent pour l'écriture.
bises d'EMILIE