Adoration

Une vie en puzzle. Un adolescent, Simon, orphelin, élevé par le frère de sa mère violoniste disparue, travaille en cours de français et de théâtre, sur le mensonge. Cela l'inspire, et il réinvente sa vie sur internet. Son histoire entraîne de vives réactions à travers le monde. Mais le regard des autres peut-il l'aider à faire la paix avec lui-même ? Atom Egoyan (Arménien, né en Egypte, élevé au Canada) nous propose souvent des films à la structure complexe. On se souvient de ces films : "Exotica" (1994) ; "De Beaux lendemains" (1997) ; "Le voyage de Félicia" (2002) ; "La vérité nue" (2006) où il nous avait offert le magnifique duo Colin Firth/Kevin Bacon. Il y eu aussi "Ararat", en 2002, son film le plus personnel, choral, sur l'Arménie. Dire qu'Atom Egoyan est un cinéaste exigeant est désormais une évidence. Cette exigeance se retrouve dans son nouveau film, "Adoration". La structure du film est très sophistiquée, faisant appel à des scènes de flash-back filmées au téléphone portable, faisant appel aussi à des scènes sur internet filmées avec des webcams. Et le tout compose une architecture admirable. Autrement dit, Atom Egoyan est un excellent, et passionnant, réalisateur. Un des sujet du film, outre le portrait d'un adolescent d'aujourd'hui habitué au mobile et au web, est le mensonge, le jeu. Car c'est bien à partir d'une mise en scène de théâtre et du jeu d'un personnage créé, d'une pièce qu'il écrit lui-même, et qu'il devrait jouer sur scène à la fin de l'année scolaire, que Simon va se découvrir, s'apprendre et se comprendre. Pour le spectateur, il y a là comme un jeu intellectuel, au cours duquel il ne faut rien perdre, où il ne faut rien laisser s'échapper. Je conçois que cela puisse déplaire (la complexité n'a manifestement pas que des adeptes), mais je suis resté happé et très intéressé par ce film. Le jeune Devon Bostick campe un adolescent tout à fait pertinent, sans sombrer dans d'inutiles pauses de mal-être, affichant même, en dépit de la situation, une certaine sérénité, dans un jeu sans fioriture. Arsinee Khandjian, actrice libanaise à la carrière internationale, aussi actrice fétiche d'Atom Egoyan, sait insuffler son mystère à son rôle de professeur de français avec maestria, dans une très belle composition. Quant à Scott Speedman, le jeune oncle de Simon, qu'il élève, nous vient d'une série TV américaine, "Félicity", et commence de se constituer une carrière plus étoffée. Le concernant, j'espère que sortira enfin sur les écrans français "The 24th day", un petit film indépendant américain, racontant le parcours d'un homme à la recherche de l'amant qui lui a, selon lui, transmis le sida, pour le séquestrer, et analyser son sang. Il y compose un duo très intéressant avec le jeune acteur James Marsden (dont la filmographie est plus étoffée). "Adoration" a peut-être le défaut de ses qualités : c'est je crois un films pour cinéphiles plus que pour spectateurs. Il n'a rien pour être considéré comme une distraction, car la complexité du récit et la beauté de son architecture peuvent heurter. Pour ma part, c'est un film que j'ai beaucoup aimé, car il ne me déplaît pas d'être bousculé, et surtout, que l'on exige de moi un certain effort d'attention. Il m'est bon qu'on me stimule autre chose que les zygomatiques !