L'Idiot

Nastassia choisit son destin. Nastassia Philippovna, une femme et quatre hommes. L'un est son protecteur, qui veut se débarrasser d'elle pour faire un mariage de raison ; l'autre est celui à qui on l'a promise contre dot avantageuse ; il y a aussi son soupirant, marginal et ténébreux. Et l'Idiot, celui qui l'aime follement, et qui a décidé de la "sauver". Tous quatre, et quelques autres, se retrouvent lors d'une soirée chez Nastassia. Personne ne décidera pour elle : elle choisira le dénouement. Sa perte. Pierre Léon est un homme difficile à inscrire dans la généalogie du cinéma français. Il reprend ici ce qui avait été la source de son film "Octobre" en 2006, "L'Idiot" du génial Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski. Il tire un des 14 chapitres du roman vers le théâtre, et nous propose un film passionnant. Comme acteur, on l'a vu notamment dans "La France" de Serge Bozon, dans le génial "Le Pont des Arts" d'Eugène Green, ou dans "Etoile Violette" d'Axelle Ropert, donnant la réplique à l'immense Lou Castel. C'est dire si les choix de Pierre Léon s'inscrivent dans de lumineuses pépites cinématographiques. La distribution de "L'Idiot" compte entre autres Jeanne Balibar, Sylvie Testud, Laurent Lacotte, Pierre Léon soi-même, et quelques autres. La mise en scène très précise parvient à mettre en valeur la tension des dialogues, donnant la même importance à ceux qui parlent qu'à ceux qui écoutent. Il en ressort un film beaucoup moins difficile d'accès que ce qu'on aurait pu prévoir, remarquable, captivant, presque hors du temps. Cette merveille est aussi due à un très beau noir-et-blanc, une belle lumière, de savants et très réussis cadrages. Comment enfin ne pas souligner la composition parfaite de Jeanne Balibar, qui malgré le flots de mots qui lui incombent, parvient à demeurer claire et limpide, ponctuant son jeu d'une intelligente malice avec sa voix et son rire inimitables. Si vous aimez sortir des sentis battus et rebattus, si vous choyez l'âme russe, si vous appréciez les belles mises-en-scènes, si vous n'avez pas peur des dialogues intelligents... "L'Idiot", où Nastassia se choisit un triste destin, vous envoûtera. Une audacieuse réussite.