Comment changer de cap ?

Crise de schizophrénie... Nous connaissons tous le Nicolas Sarkozy candidat, menant campagne fin 2006 début 2007. Nous nous souvenons tous de ses discours, de sa rhétorique d'antan, et son tourbillon nous hante encore. Oui mais voilà : ça date. Il était le plus haut critique de l'Etat-providence, le défenseur des subprimes, le VRP de l'endettement des Français pour qu'ils devinssent propriétaires de leur logement, le défenseur de "la rupture" en tout, le grand pourfendeur de l'immobilisme de Jacques Chirac, l'admirateur indéfectible de George W. Bush, le soutien inconditionnel à l'Israël, etc... Mais vint le tsunami financier. Il fallut alors se contredire un peu, et même opérer un virage à 180° dans le fameux discours de Toulon, où on l'entendit défendre un capitalisme plus humain, honnir les paradis fiscaux... essayant d'enfiler les habits trop grands d'un Chirac protecteur. Comment adapter ce virage à sa bouillonnante communication ? Comment expliquer ce reniement, cette erreur de jugement passée ? N'est pas homme d'état qui veut, et jamais, tel un Barack Obama, il ne saura dire ; je me suis planté. Alors il fit l'autruche, persuadé qu'un événement en chasse toujours un autre, provoquant infailliblement l'amnésie de ses concitoyens. Nous sommes donc désormais devant un Président-Double-Face, tantôt ultra-libéral et poursuivant ses réformes d'avant crise comme si rien n'était survenu, tantôt compassionnel courant la France pour rassurer les victimes de la politique qu'il adorait quelques mois plus tôt. Désormais, Nicolas Sarkozy est redevenu, même pour lui-même, un simple mortel, un président impuissant face au chômage, à la crise sociale, à la réduction continue du pouvoir d'achat... Même Alain Minc le concède : "Nicolas Sarkozy essaie une sérieuse mutation, change peu à peu sa communication, s'isole davantage." Autrement dit, environ 2 ans après son élection, il essaie de se présidentialiser. "Mon électorat, mon coeur de cible, reste le public de TF1" reconnaît-il volontiers. Mais il sait aussi les dégâts sur son image que produit la blogosphère pourraient lui être fatal. D'une part, le public de TF1 s'amenuise, d'autre part il vieillit. Celui du net s'agrandit et reste jeune. En 2012, ils iront voter. Nous vivons tous plus ou moins difficilement cette période de mutation, au terme de laquelle nous entrerons dans le XXIème siècle pour de bon. Envisager un capitalisme plus humaniste, solidifier les services publics, consolider l'industrie des énergies renouvelables, prévenir les immigrations climatiques, réengager le processus de paix au Proche-Orient sans toujours s'aplatir devant l'Israël, en terminer avec l'axe du mal défini par George W. Bush pour enfin tout faire diplomatiquement avec l'Iran, le Pakistan, l'Afghanistan... autant de sujets où Nicolas Sarkozy devra impérativement effectuer une mutation, voire opérer à un changement radical, presque un reniement. Paradoxalement, son pari est aussi un peu le nôtre.