A Single Man

Les larmes sèches.

Comme cela m'arrive parfois, il a fallu que j'aille voir un film une seconde fois au cinéma. Il s'agit de "A Single Man", de Tom Ford, d'après le roman de Christopher Isherwood. Comme dirait Valmont, "it's beyond my control".

Je ne reviendrai pas sur tout le bien que je pense de ce film, ni sur sa beauté, ni sur sa musique mélancolique, ni sur la très belle interprétation de Colin Firth, qui, 25 ans après "Another Country - Histoire d'une trahison", nous revient comme au premier jour.

Si j'ai été ému par ce George Falconer, c'est certes à cause de la perte de son bien-aimé, mais aussi pour ce deuil qu'il ne parvient pas à exprimer, à peine quelques larmes.

Pourtant, et c'est là une incroyable force du film, les larmes, même si elles ne sont pas dans ses yeux, elles sont partout à l'image, et d'une bien étrange façon.

D'abord, il y a l'eau dans laquelle on se baigne, puis la neige, la pluie. Il y a la sueur sur les corps, ces gouttes qui perlent pendant l'effort, dans une sensualité sans artifices. Mais il y a aussi toutes ces carafes et ces verres somptueux et somptuaires, probablement en cristal, ces bouteilles de gin Tanqueray, ces bouteilles de scotch, ces canettes de bière, ces glaçons qui s'entrechoquent. C'est d'une grande beauté.

Et si ces larmes sèches aux yeux, qui sont si belles dès lors qu'elles sont symbolisées, m'ont autant ému, c'est aussi à cause d'une de mes habitudes, déjà ancienne, qui consiste à offrir des verres, des coupes, des flûtes, des carafes. Et je me suis demandé si moi aussi je n'offrais pas des larmes symboliques, au quotidien, comme le fait Tom Ford, dans ce film d'une très grande force.

C'est étrange, suis-je contraint de me dire, que je n'apprécie pas particulièrement un film au prétexte que je peux m'identifier à tel ou tel personnage, mais davantage parce que j'y perçois, et j'y ressens, un petit bout de moi-même. Incontestablement, ici, ce sont et les yeux secs et les flots divers qui m'auront le plus ressemblé et touché.

Comments

[Henri-Pierre]

Je reviens ce soir même de voir ce film, et, reste hanté par cette singulière et puissante atmosphère.
Je ne te paraphraserai ni quant aux larmes sèches, ni quant aux cristaux, sauf pour dire que Colin Firth est un immense acteur dans la scène du fatal appel téléphonique.
J'ajouterai aussi que la lumineuse présence du blond ange gardien impuissant devant l'inéluctable est d'une poésie inouie.
J'irai aussi le revoir.