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6 mars 2010

L'Arbre et la forêt

L_Arbre_et_la_for_tLe Tilleul de ma vie.

Frédérick fait pousser des arbres et, depuis près de soixante ans, cultive un secret. Autour de lui, seuls sa femme et son fils aîné savent la vérité sur son histoire. La mort de ce fils, avec qui il entretenait des rapports conflictuels, le conduit à révéler enfin à ses proches ce qu'il n'avait jamais pu dire. Le patriarche, pendant la seconde guerre mondiale, n'a pas été envoyé dans un camp pour des raisons politiques, mais pour homosexualité. Voilà qui pourrait bouleverser la famille...

Je ne boude jamais, depuis leur premier film en 1998, "Jeanne et le garçon formidable", un film de Olivier Ducastel et Jacques Martineau. "Drôle de Félix" en 2000, "Ma vraie vie à Rouen" en 2003, "Cristacés et Coquillages" en 2005, et pour la TV, "Nés en 68" en 2008. Ici, ils quittent leur cinéma post-Demy, pour nous proposer une chronique familiale, sous la forme d'une tragédie intimiste suscitée par un secret de famille enfin dévoilé. Mais comme toujours, leur observation des relations humaines et familiales est intéressante.

J'ai cru pouvoir noter deux références à Marcel Proust, si cher à mon coeur : l'action se passe dans le Loiret, pas très loin d'Illiers-Combray, et le temps qui a passé est magnifiquement symbolisé par un sublime tilleul (que Frédérik a planté à sa libération de camp), l'arbre qui porte des floraisons d'âges variés, comme si passé, présent, et avenir y cohabitaient harmonieusement.

Guy Marchand se voit offrir un très beau rôle, un contre-emploi qui ne vire pas à la performance, tout en silence et en bougonnerie, auquel il donne beaucoup d'épaisseur. Françoise Fabian, Jérémie Rénier et Pierre-Loup Rajot (sa troisième collaboration avec les réalisateurs, après "Drôle de Félix" et "Nés en 68" sont parfaits, bien que ces deux derniers aient des rôles plus effacés.

En passant, je regrette que le cinéma ne fasse pas davantage confiance à Pierre-Loup Rajot, capable d'étinceler, comme chez Sébastien Lifshitz ("Ces corps ouverts" en 1997), Catherine Corsini ("La Nouvelle Eve" en 1999) ou Patrick Mimouni ("Quand je serai star" en 2005).

J'ai plus de réserves sur Sabine Seyvecou (troisième collaboration avec Ducastel et Martineau), que j'ai trouvée un peu fade, et sur François Négret (pourtant bon chez Jean-Claude Brisseau, Serge Bozon ou Cédric Kahn), qui lui, surjoue un peu trop à mon goût.

Catherine_MouchetEnfin, il y a Catherine Mouchet. A mes yeux, c'est une immense actrice, géniale actrice. Elle sert sa partition avec une sorte de détachement et d'ironie qui n'appartiennent qu'à elle, la plaçant parmi les plus grandes. Certes, elle a servi, entre autres, Cavalier, Goretta, Mocky, Jolivet, Harel, Bonello, Leconte, Masson, Bonitze, Belvaux, mais ce n'est toujours pas assez à mes yeux.

Pratiquement tous les plus beaux moments de "L'Arbre et la forêt" lui sont dus, capable de balayer Wagner (dans une très belle scène face à Guy Marchand), sans cesse animé d'une causticité qui ne manque, ni de superbe, ni de recul.

Très subjectivement, je préfère le cinéma de Ducastel & Martineau quand il s'apparente davantage à Jacques Demy, mais je soutiens fermement ce film, pour plusieurs raisons : le sujet abordé, la déportation des homosexuels, trop rare au cinéma ; le soin méticuleux apporté aux relations entre les protagonistes ; et l'évocation du temps qui passe, de la solitude des êtres, l'émotion contenue. 

Catherine Mouchet avec son génie unique, Guy Marchand avec son contre-emploi talentueux, et la grâce de Jérémie Rénier auront fini d'emporter mon adhésion.

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