Greenberg

Un quadra déboussolé.

Los Angeles. En attendant mieux, Florence Marr, qui rêve de devenir chanteuse, travaille chez les Greenberg comme assistante personnelle. Autrement dit, elle s’acquitte pour eux des tâches du quotidien les plus rébarbatives… Lorsque Philip Greenberg emmène sa femme et ses enfants en voyage à l’étranger, Florence a soudain plus de temps pour elle. Ce qui ne l’empêche pas de venir s’occuper du chien de la famille et de passer voir, par la même occasion, Roger, quadragénaire en visite chez son frère Philip. Tout aussi paumé que Florence, Roger a passé plusieurs années à New York où ses projets n’ont pas abouti. Il revendique désormais son droit de ne «rien faire»… Touchée par sa fragilité, Florence se rapproche peu à peu de cet homme en qui – curieusement – elle se reconnaît. Il se noue alors entre eux une relation improbable…

Noah Baumbach avait déjà retenu toute mon attention en sa qualité de scénariste pour Wes Anderson avec "La Vie Aquatique" en 2005, puis évidemment "Fantastic Mister Fox" en 2010. Entre temps, il avait retenu toute notre attention en 2006, en réalisant "Les Berkman se séparent", petit bijou du cinéma américain indépendant.

Avec "Greenberg" il revient avec une tragi-comédie sur un quadragénaire égocentrique en pleine crise existentielle. Si le sujet n'est pas nouveau, son traitement est lui très novateur : il joue sur de nombreux paradoxe, mêlant les codes de la comédie et ceux du film d'auteur. Il sait passer tel un virtuose de la cruauté à la tendresse, de l'hilarité à la douche écossaise. Dans le même film, on retrouve un peu de la potacherie des Frères Farrelly avec toute son effervescence comique, à la désespérance d'un Woody Allen allongé sur le sofa de son psychanalyste.

Le fil rouge de ce pédestre-movie est le cheminement du désir de Roger pour Florence, au gré d'éclats de rire partagés, de malentendus, de disputes. Et Roger entretien le même type de relation avec son meilleur ami Ivan, passant du chaud au froid, au gré de ses désenchantements et de sa désespérance.

Ben Stiller se révèle l'interprète idéal de ces atermoiements. Même si je ne suis pas un adepte de l'ensemble de son impressionnante filmographie, je reconnais qu'elle comporte quelques petits bijoux : "Mary à tout pris" des Frères Farrelly en 1998, "Au nom d'Anna" d'Edward Norton en 2000, "La famille Tenenbaum" de Wes Anderson en 2002, "Starsky & Hutch" de Todd Phillips en 2004. En sa qualité de réalisateur, j'ai adoré "Zoolander" en 2002, et beaucoup ri devant "Tonnerre sous les tropiques" en 2008. Grâce à Noah Baumbach il affirme un talent qui lui permet de jouer brillamment sur une palette élargie.

Face à lui, la très charmante Greta Gerwig, au jeu très frais, incarnant une jeune femme un peu faussement gauche et nunuche, mais d'une sincère tendresse et d'une réelle compassion. 

Je dois dire que j'ai été aux anges en voyant que Rhys Ifans incarnait le meilleur ami de jeunesse, Ivan. Sa performance incroyable dans "Coup de foudre à Notting Hill" de Roger Michell en 1999, lui a valu de figurer au générique de nombreux films, pas tous mémorables, il faut bien le dire, mais comptant tout de même : "Human Nature" de Michel Gondry en 2001, "Terre Neuve" de Lasse Hallström en 2002, "Good Morning England" de Richard Curtis en 2009. Il est absolument épatant, encaissant les tirades parfois grisantes, parfois tristes, de Roger. Je suis heureux de savoir que sa popularité sera probablement grandissante, étant donné qu'il a déjà joué dans 8 films à sortir sur les écrans, dont deux "Harry Potter". C'est un très grand acteur.

A titre personnel, et sous la forme de cerise sur le gâteau, dans le rôle du frère aîné de Roger, il y a l'apparition de Chris Messina, très à mon goût, connu pour avoir son nom au générique de séries TV, mais aussi pour avoir joué pour Woody Allen et Sam Mendes. J'espère le revoir bientôt dans un rôle plus étoffé.

Même si ce film en forme de tragi-comédie à l'humour vachard et distancié pourra sembler un peu "poseur", il me semble que c'est un petit bijou décalé d'intelligence, brillamment écrit, et je le conseille vivement.