Tomboy

Choisir son identité.

Laure a 10 ans. Laure est un garçon manqué.
Arrivée dans un nouveau quartier, elle fait croire à Lisa et sa bande qu’elle est un garçon. Action ou vérité ? Action. L’été devient un grand terrain de jeu et Laure devient Michael, un garçon comme les autres… suffisamment différent pour attirer l’attention de Lisa qui en tombe amoureuse. Laure profite de sa nouvelle identité comme si la fin de l’été n’allait jamais révéler son troublant secret. Jusqu'au jour où, fatalement, le mensonge se brise...

Après le très réussi "Naissance des pieuvres" en 2007, Céline Sciamma nous propose une chronique de la vie de famille, splendide et émouvante, toute en intelligence, en grâce et en délicatesse. Ce film, d'une grande douceur donc, ouvre volontairement ses bras à la tristesse d'un âge fugitif qui s'en va très vite, et ne recule pas devant la complexité des questions qu'il pose.

C'est une réflexion sur l'identité sexuelle et le désir de travestissement d'un "garçon manqué" ; sur la liberté de choisir sa vie ; sur la délicate question de l'élaboration des genres ; sur la façon dont la société vous cloisonne et parfois vous condamne pour vous ramener à une "normalité".

La mise en scène de Céline Sciamma est pure, sans effet, et nous rappelle que c'est du cinéma en soi et non des situation que naissent les émotions : c'est admirable.

La distribution est excellente. Zoé Héran incarne une Laure/Michael toute en subtilité ; Malonn Lévana incarne sa petite soeur Jeanne avec une spontanéité confondante, toujours entre la drôlerie et l'émotion ; Sophie Cattani est une mère un peu dépassée par la complexité de la pré-adolescence qui choisit le pragmatisme. Nous l'avions découverte chez Lucas Belvaux, puis chez Nicole Garcia, et dans des rôles plus étoffés : dans "Je suis heureux que ma mère soit vivante" de Claude & Nathan Miller en 2009 et dans "Une petite zone de turbulences" d'Alfred Lot, face à Michel Bmanc, en 2010. Elle sera à l'affiche de "Polisse" de Maïwenn sélectionné à Cannes.

Dans le rôle du père, un véritable enfant de la balle, le fils de Jacques Demy et d'Agnès Varda, Mathieu Demy. Il est ici le père, l'époux, que nous aimerions avoir. Il est d'une délicatesse incroyable, et une simple parti de "Jeu des 7 familles" devient un instant de grâce rare au cinéma. Acteur que j'aimerais voir davantage, alors qu'il a toujours été impeccable et subtil : dans "Jeanne et le garçon formidable" de Ducastel et Marineau ; dans "Le fil à la patte" de Michel Deville en 2005 ; dans "Le grand alibi" de Pascal Bonitzer en 2008 ; dans "La fille du RER" d'André Téchiné en 2009. Il me tarde de le voir prochainement, entre Julie Gayet et Lionel Abelanski dans "L'art de séduire" de Guy Mazarguil.

Allez voir ce film qui nous rappelle que les enfants sont des êtres complexes que les adultes ne comprendront jamais. On y retrouve les mots, les sensations de l'enfance, les derniers souffles de l'été et ses dernières baignades avant la rentrée scolaire, souvenirs presque universels.

Avec une tension et un suspense permanents (on redoute à chaque instant le moment et la façon dont la réalité de la sexualité de Laure/Michael sera dévoilée). C'est la magnifique histoire d'un mensonge qui devient l'histoire d'une vérité : cerner notre identité pour enfin être aimé pour ce que l'on est, au-delà des apparence.

Un excellent film.

Comments

[Norethrud]

J'ai énormément aimé ce films. J'ai vu "Naissance des pieuvres" dans la foulée. Dans Tomboy, je trouve que tous ce joue dans les regards à un âge où il est difficile de poser des mots. La réalisatrice à également laissé des portes ouvertes au personnage - et du coup au spectateur - en suggérant la difficulté de Laure face à la nouvelle grossesse de sa maman (c'est toute une vie 9 mois quand on a 8 ans) et à ces nombreux déménagements. Beaucoup de finesse...

[ouam-chotte]

J' y cours !